Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Savoir animal/Valérie Croisille, Maître de conférences Co-directrice des études, Département d’Etudes Anglophones (FLSH, Université de Limoges) Membre de l’EHIC (Espaces Humains et Interactions Culturelles) Membre de l’ORCA (Observatoire de Recherche sur la Condition Animale)
Réunion et Mayotte : une décennie de torture animale dans les squats et ravines
#Mayotte #Réunion #tortionnaires #enfants
Article mis en ligne le 29 octobre 2024
dernière modification le 30 octobre 2024

Paradis pour les touristes côté face, enfer pour les animaux côté pile… ­­­L’Etat français souhaite-t-il vraiment qu’au cliché idyllique de ses îles de l’Océan Indien, associées dans l’imaginaire collectif aux lagons turquoise et aux effluves de vanille bourbon, se substitue une réalité monstrueuse : celle des actes de barbarie commis sur des chiots ?

« Des jeunes en mal de “sensations fortes” prennent plaisir à martyriser des animaux »[i] : le constat glaçant du journal réunionnais Zinfos974 date de près d’une décennie. Il demeure pourtant d’une insupportable actualité, tant les sévices commis en série et en bande organisée sur des animaux, en particulier des chiots, se multiplient ces dernières années à la Réunion et à Mayotte.

On se souvient d’une photo-choc datant de 2014 prise dans le centre-ville de Koungou, à Mayotte : au moins sept chiens avaient été pendus en pleine rue à des poteaux électriques[ii]. Depuis, la violence à l’encontre des animaux s’est banalisée, comme le souligne l’article de Mayotte Hebdo du 24 mai dernier. On pourrait dérouler ad nauseam, dans une litanie infernale, la liste de ces monstruosités qui ont lieu sur l’île de Mayotte, de l’ébouillantement à la décapitation en passant par le viol. (...)

Les atrocités commises par ces tortionnaires en série gangrènent aussi l’île voisine de la Réunion.

L’un des premiers signalements de tortures animales y remonte à janvier 2016, dans le quartier de la Chaumière à St Denis. Des résidents y entendent des chiens hurler à la mort et découvrent qu’à leurs portes est commis l’impensable : des chiens sont torturés, brûlés, battus, pendus, enterrés vivants. Zinfos974 précise que « les services de l’état sont alertés, mais ne donnent pas suite » (...)

Les faits se concentrent surtout à St Denis, St André, St Benoit, et de plus en plus fréquemment au Port, à St Pierre, à St Joseph, et à St Louis. C’est justement à St Louis, dans la ravine du Bol, que 16 chiens ont été découverts en piètre état le 28 septembre dernier par la Milice Anti-Squats 974[vi], créée cet été par des citoyens réunionnais dans le but de sauver les animaux torturés des squats. Ce jour-là, sur le point de quitter un bâtiment en ruines où ils ont trouvé un sac contenant des ossements d’animaux, les membres de la milice sont alertés par les hurlements d’un chiot. Après une marche difficile dans une zone escarpée et sauvage, ils parviennent à localiser l’endroit où se joue le drame : un campement de fortune dans la ravine, où trois jeunes gens squattent parmi des vélos volés, et surtout, avec 16 chiens, dont plusieurs chiots, terrorisés, affamés, et pour certains, mutilés. (...)

Appelés sur les lieux, les gendarmes placent les trois jeunes en garde à vue. Plusieurs plaintes sont déposées, par l’association APEBA et par les familles des chiens volés. La garde à vue prend fin dès le lendemain et n’aura duré que 24 heures (y compris pour l’unique individu majeur appréhendé), sans prolongation comme la loi le permet pourtant, ni comparution immédiate : tous sont ressortis libres.

Dans un récit qui avait saisi d’effroi l’auditoire, traversé par une émotion rarement suscitée lors d’une visioconférence, la présidente d’APEBA, Cécile Squarzoni, avait détaillé le modus operandi des tortionnaires d’animaux lors du webinaire organisé en février dernier par la commission « Droit et animaux » du barreau de Paris (...)

A l’affût de chiens et de chats à capturer, de préférence des bébés, des bandes d’individus très jeunes s’organisent pour préméditer leurs crimes, prenant soin de se procurer à l’avance des appâts pour enlever plus facilement leurs victimes dans des jardins, des refuges, ou simplement dans la rue. Le film d’horreur dont ils reproduisent le scénario infernal en un cycle sans fin peut alors commencer.

Stockés comme des marchandises dans le noir de bâtiments désaffectés ou dans des ravines isolées d’où ils ne peuvent plus s’échapper, mis en cage ou attachés, privés d’eau et de nourriture, les animaux capturés endurent les sévices les plus abominables, allant des « simples » coups jusqu’aux brûlures, viols, lapidations, mutilations à coups de sabre, pendaisons, étranglements, éviscérations, énucléations, voire décapitations (...)

Dans une surenchère de l’horreur, les jeunes bourreaux rivalisent d’ingéniosité perverse dans leurs jeux meurtriers, (...)

Ils veillent aussi à ce que la « relève » soit assurée en obligeant les plus jeunes à être témoins de leurs crimes, voire à y participer.

Ces actes de barbarie, fréquemment commis la nuit (l’expression « soirées tortures », qu’on commence à entendre, est hélas parlante), sont devenus un loisir à part entière pour ces pré-adolescents et adolescents désœuvrés, déstructurés et ultra-violents, souvent mineurs isolés. S’amplifiant lors des vacances scolaires, ce fléau mène chaque année au décès dans des conditions abominables d’au moins 1500 chiens et chats, d’après les estimations d’APEBA, selon laquelle seuls 10 à 15% d’animaux suppliciés sont sauvés. (...)

Les animaux martyrs recueillis lors de ces sauvetages sont squelettiques, traumatisés, atrocement mutilés, et doivent être soignés au plus vite,alors même que les fonds manquent cruellement aux associations réunionnaises et mahoraises. La malédiction les poursuit jusqu’au bout s’ils finissent en fourrière, puisque c’est alors l’euthanasie qui les attend, comme dans 9 cas sur 10 dans les fourrières réunionnaises.

Bien que ces faits augmentent de façon exponentielle année après année, il semble qu’en une décennie, le phénomène ne soit toujours pas pris au sérieux par l’Etat français. Horrifiées et lasses de constater l’inertie des pouvoirs publics, des personnes de bonne volonté se mobilisent pour faire sauter la chape de silence, alerter l’opinion publique métropolitaine via les médias et demander aux autorités de prendre ce fléau à bras-le-corps[x]. La création de la Milice Anti-Squats 974, entièrement composée de membres de la société civile, fait partie de ces initiatives. Le courage des bénévoles est d’autant plus à saluer qu’ils mettent leur vie en danger, les bandes de jeunes n’hésitant pas à les menacer avec les mêmes sabres, machettes et coupe-coupe qu’ils utilisent pour démembrer leurs victimes animales (...)

Attend-on qu’un homicide ait lieu ?

Les lieux de torture animale sont connus : les associations réunionnaises en ont établi une liste transmise aux autorités. Les squats sont pourtant toujours là, notamment dans les immeubles d’anciens hôtels de St Denis qu’il serait urgent de démolir, et les innommables sévices continuent d’y être perpétrés : pourquoi ce statu quo ? (...)

Infliger des actes de barbarie jusqu’à ce que mort s’ensuive à un animal à près de 10000 km de la métropole n’est pas moins grave qu’en infliger sur le territoire métropolitain. Quand l’Etat français prendra-t-il la mesure de l’ampleur de la torture animale dans ses départements de l’Océan Indien ? (...)