
SUIVI PAR LA MISE EN LIGNE GRATUITE DU FILM EN DOUZE LANGUES ET LES PROCHAINES RENCONTRES (À LA FIN DU COMPTE-RENDU)
Sur une planète où la plupart des nouvelles qui nous parviennent sont terribles (guerres, misère, abrutissement, montée du fascisme, catastrophe écologique), il est bon de vivre et de partager des moments chargés d’amour et d’optimisme.
Depuis une douzaine d’année, le convoi solidaire est fait pour ça : non pas seulement pour apporter un soutien politique, matériel et financier dans les laboratoires d’utopie en Grèce, mais aussi pour nous rencontrer, échanger et agir ensemble, par-delà nos différences et les frontières qui poussent à l’isolement et à l’indifférence. Le convoi solidaire est une expérience forte et inoubliable que chacun vit à sa façon. Une modeste contribution au service d’expériences concrètes de luttes et d’entraide qui prouvent que nous sommes capables de faire société autrement.
Mieux encore : le convoi solidaire n’est pas seulement une action en soutien des initiatives solidaires autogérées en Grèce. Comme nous l’ont encore répété certains de nos camarades grecs et migrants, le convoi solidaire fait aussi partie intégrante de ce dispositif, de ce microcosme (du grec « petit monde »), de cette famille choisie par celles et ceux qui ne veulent pas baisser les bras. Dans cette grande famille utopiste et agissante, tout n’est pas parfait, il y a parfois des erreurs, des maladresses, des conflits, des incompréhensions comme partout où les humains coexistent, mais il y aussi autre chose : cette profonde envie d’aller plus loin vers l’horizon, de ne se pas se contenter de la boue et des détritus dans lesquels nous pataugeons, comme l’égoïsme, la société de consommation, la compétition capitaliste, les rapports de domination.
En Grèce comme en France et ailleurs, des invisibles s’attèlent à cet objectif : changer localement et concrètement une partie de la société sans attendre le grand soir, la révolution sociale ou l’effondrement du système capitaliste. Ces utopistes agissants sont innombrables et sont partout, bien plus répandus et actifs qu’on ne l’imagine. Ils sont sous les radars des sondages en tous genres. Ils ne répondent pas aux questionnaires, ne rentrent pas dans les cases, sont rétifs aux étiquettes et seule une partie d’entre eux votent dans des circonstances particulières. Ils préfèrent agir que faire des grands discours, même s’ils discutent entre eux d’aspects théoriques autant que de questions pratiques. (...)
Ce petit compte-rendu photographique a donc pour but de vous transmettre un peu de cette lumière, de cette joie, de cette force agissante, à vous toutes et tous qui avez aidé à préparer ce convoi sans partir avec nous. Vous toutes et tous qui avez soutenu cette action, parfois pour la première fois ou bien comme les années précédentes, avec fidélité, conscients de l’importance cruciale de ces laboratoires d’utopies concrètes et de leur précarité. Vous qui êtes malgré tout du voyage, bien que restés à l’autre bout de l’Europe : certes invisibles sur les photos, mais bien là à travers l’immense chaine humaine qui a longuement préparé le convoi.
Ce petit compte-rendu évoque essentiellement le voyage d’avril 2025, avec 8 fourgons partis de Gironde, Hautes-Pyrénées, Alpes-Maritimes, Gard, Creuse, Aube, Isère et Bouches-du Rhône. Mais il faut savoir qu’en février, nous avions déjà préparé 3 autres fourgons, en lien avec un collectif libertaire, puis 4 autres plus tard. En tout, 15 fourgons sont concernés par nos actions du printemps, dont certaines sont plus visibles que d’autres. (...)
Une autre chose réjouissante avec le mouvement social en Grèce, c’est sa jeunesse très présente parmi celles et ceux qui luttent. Cette belle diversité apporte de la force, de l’énergie et, bien sûr, de l’intelligence collective. Nos camarades grecs nous montrent beaucoup de bienveillance et de gentillesse. Ce sont vraiment de belles rencontres, des moments passionnants, notamment quand ils nous racontent un peu l’histoire de leur action, des anecdotes, des détails utiles pour comprendre comment ils ont réussi à surmonter certains obstacles. Heureusement que Yannis est là pour traduire, car très peu de nos camarades grecs parlent français. Par contre, parmi les membres de notre convoi, ceux qui parlent anglais arrivent très bien à communiquer avec la plupart des Grecs et avec certains migrants. Sans oublier l’esperanto que parlent certains camarades grecs, mais assez peu pour l’instant. (...)
La fonction des bibliothèques sociales multilingues autogérées est très importante dans le mouvement social en Grèce, notamment à Athènes et en Crète. Les échanges entre les pays se multiplient. Nous livrons de plus en plus de livres aux collectifs qui en ont besoin, parfois avec l’aide d’amis éditeurs ou diffuseurs (surtout en français, mais aussi en anglais, en arabe et en perse). Les lieux athéniens nous donnent à leur tour des livres, cette fois plutôt en grec, pour d’autres villes sur le continent et en Crète. Dans ce domaine aussi, la solidarité est très forte et les projets poussent comme des champignons. (...)
L’une des activités des membres du convoi qui se sont rendus jusqu’en Crète est d’affiner le classement des chaussures (en bon état) collectées en France, Suisse et Belgique : par taille, mais aussi en fonction des besoins, dans les montagnes ou dans les villes par exemple.
L’une des raisons pour lesquelles nous avons besoin de chaussures en Crète, c’est qu’il y a beaucoup plus d’arrivées de migrants directement sur l’île que par le passé. Alors que les arrivées ont diminué à la frontière de la Turquie (notamment du fait des grandes violences, tortures et meurtres subis), il y a toujours plus de monde qui tente la longue traversée depuis l’est de la Libye, malgré les 300 kilomètres de haute-mer entre Tobrouk et le sud de la Crète.
Le ministre des Migrations grec, Makis Voridis (ancien cadre de l’extrême-droite), a récemment communiqué les nouveaux chiffres officiels concernant les 4 premiers mois de 2025. Il y aurait une baisse de 30% des arrivées via la Turquie sur Lesbos et Chios. Et parallèlement, il y aurait une forte hausse des arrivées depuis la Libye vers la Crète : une augmentation de 174% par rapport aux 4 premiers mois de l’année passée et de 500% (six fois plus) par rapport à la même période en 2023, selon le ministère. (...)
Le gouvernement grec est de plus en plus agressif contre les solidaires qui aident les migrants. Nous l’avons bien remarqué. C’est également le cas pour l’équipage des navires de sauvetage qui sont dans le collimateur du pouvoir et de sa police.
Notre amie Claire, navigatrice expérimentée, nous contacte en urgence un matin : elle est bloquée dans le port d’Héraklion avec son navire de sauvetage, le Solidaire, qui est empêché de reprendre son chemin vers les principales zones d’aide et de surveillance. Si vous étiez venus à la conférence sur « La solidarité sans frontières » de Pia Klemp et Yannis à Martigues, Claire était là avec eux. Et pour cause : Claire a beaucoup participé à l’aventure aux côtés de Pia et bien d’autres, ces dernières années. C’est une amie aussi humble et généreuse que déterminée. Une vraie solidaire et non pas humanitaire, comme nous qui ne faisons pas tout ça par charité, mais avec un sens politique. Nous sommes solidaires parce que nos actions sont politiques : elles n’ont pas pour but de compenser les dysfonctionnements d’une société inégalitaire et injuste, mais de lutter contre cette façon d’organiser la société en proposant autre chose, en donnant à voir la société qu’on désire, dans l’entraide et l’autogestion.
Finalement, au bout de quelques jours, Claire et les autres membres de l’équipage du « Solidaire » peuvent enfin repartir. Ouf ! (...)
À Athènes, la lutte contre le projet de station de métro sur la place Exarcheia continue avec force et vigueur. D’autant plus que les nouvelles sont plutôt bonnes. Par exemple, le tunnel qui prévoit de passer sous le quartier a été creusé dans la mauvaise direction sur 160 mètres ! Le pouvoir a lancé une enquête et suspecte un sabotage. Tout le monde en rit encore à Exarcheia ! (...)
Il ne reste actuellement que deux containers sur le chantier du métro complètement déserté. De plus, un ingénieur vient de révéler la présence de fissures inquiétantes. Le projet d’un arrêt de la ligne 4 sous la place d’Exarcheia est proche d’être définitivement abandonné.
Par contre, les violences policières se multiplient dans le quartier et alentours (...)
22 mai. Nouvelle victoire, cette fois au tribunal : les 25 membres de Rouvikonas qui étaient poursuivis pour l’occupation de l’immeuble d’Hellenic Train durant la grande manif du 28 février (deux millions de manifestants dans toute la Grèce, c’est-à-dire 20% de la population totale) sont acquittés. C’est la fête ! On se retrouve dans la joie ! Les bonnes nouvelles se succèdent, mais ne soyons pas dupes : c’est grâce au nombre, à la masse, à la foule très nombreuse un peu partout, des manifs aux tribunaux, bien plus que d’habitude, et ça nous aide beaucoup. Les gens n’imaginent pas à quel point c’est important de soutenir, ne serait-ce qu’un peu. (...)
notre ami Giorgos est reconnu innocent, lui aussi, cette fois de l’accusation très grave de terrorisme. Les médias titrent « Fiasco de la police antiterroriste, Giorgos Kalaïzidis est acquitté par le tribunal ». La criminalisation du mouvement social connait un nouveau coup d’arrêt. Dans d’autres procès, les acquittements se succèdent pour le mouvement social. (...)
Grâce aux livraisons du convoi solidaire, de nouvelles cuisines sociales se sont multipliées à plusieurs endroits. Par exemple, la section Athènes-ouest de Rouvikonas propose maintenant des repas à l’espace social libre Bloc15, dans le quartier pauvre de Haïdari (photo), avec pour devise : « personne ne doit rester isolé dans la misère ». Parmi les images illustrant nos liens très forts par-delà les frontières, la grande fresque du K*Vox en hommage à la Commune de Paris, au milieu du centre social autogéré (dans la zone bar qui permet de payer une partie des frais de Justice). (...)