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The Conversation
Relance du nucléaire et urgence climatique : les liaisons dangereuses
#nucleaire #energies #France #UE #urgenceclimatique
Article mis en ligne le 20 mars 2024
dernière modification le 19 mars 2024

Dans son discours de politique générale, en janvier, le premier ministre Gabriel Attal réaffirmait le revirement majeur opéré en faveur de l’atome depuis la fermeture de la centrale de Fessenheim sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron.

L’urgence climatique est régulièrement avancée pour justifier ce virage stratégique opéré sans réel débat citoyen. Il convient de l’examiner avec rigueur en dépassant les stéréotypes dans lesquels nous enferment les débats polarisés entre « pros » et « antis ».

Posons en premier lieu les termes du débat : comme ses partenaires européens, la France s’est engagée à atteindre la neutralité climat en 2050, avec deux objectifs intermédiaires : réduire de 55 % d’ici 2030 les émissions nettes de gaz à effet de serre par rapport à 1990 et de 90 % d’ici 2040, si les propositions de la Commission européenne sont retenues. (...)

Dans la majorité des pays, l’atome joue un rôle secondaire ou nul dans la fourniture d’électricité. En 2022, il n’a fourni que 9,2 % de l’électricité mondiale.

Dans le scénario de décarbonation le plus ambitieux de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la production d’électricité d’origine nucléaire augmente en valeur absolue, mais elle ne fournit que 8 % de l’électricité mondiale en 2050, le déploiement des renouvelables primant.

Le cas de la France est tout à fait singulier. Avec la Slovaquie (et l’Ukraine avant la guerre), c’est le seul pays au monde où le nucléaire fournit plus de la moitié de l’électricité (65 % en 2023, 78 % en 2005). Avec 56 réacteurs en service, notre pays dispose de plus de la moitié de la puissance nucléaire installée au sein de l’Union européenne. L’électricité y est, avec celle des pays nordiques, la plus décarbonée du continent. (...)

Depuis 1999, la capacité installée reste sur un plateau et les moyens de production vieillissent : déclasser toutes les centrales ayant effectué 40 années de service – hypothèse retenue lors de leur conception – provoquerait un affaissement brutal de la production d’électricité décarbonée d’ici à 2040 : c’est « l’effet falaise ». (...)

Pour ne pas tomber de la falaise et respecter nos objectifs climatiques, on aura besoin d’ici à 2040 à la fois d’un accroissement rapide des sources renouvelables et de l’utilisation du parc nucléaire existant. (...)

Une technologie encore en développement

Le schéma gouvernemental de relance du nucléaire porte sur des réacteurs EPR2, d’une capacité voisine de celle de l’EPR de Flamanville, avec un design simplifié pour réduire les coûts de construction. Dans un premier temps, trois paires d’EPR2 sont programmées : l’idée est ensuite de passer à la vitesse supérieure en multipliant les EPR2 pour bénéficier d’économies d’échelle.

Par rapport à Flamanville, dont le chantier aura duré 17 ans pour un démarrage en 2024, on peut espérer un raccourcissement des délais de construction. Mais l’EPR2 est un nouveau réacteur dont il faut finaliser le design. Son chantier fera face aux imprévus propres aux « têtes de série ».

Le programme des EPR2 n’aura pas d’impact significatif sur l’offre électrique avant 2040. (...)

Les trajectoires divergentes des coûts directs

Le solaire et l’éolien ont connu un effondrement de leurs coûts directs de production avec l’allongement des séries de production et l’augmentation des puissances installées. Cette dynamique se poursuivra, même si elle est infléchie par deux effets contraires : le renchérissement des métaux utilisés et celui du foncier.

Côté nucléaire, on observe plutôt un accroissement des coûts des chantiers dont la durée ne baisse pas, surtout dans les pays démocratiques où le coût de la sécurité est mieux pris en compte que dans les régimes autoritaires. (...)

Les milliards du nucléaire n’iront pas au renouvelable (...)

Petits réacteurs modulaires, promesses et risques (...)

En l’état actuel des informations, la prise en compte des projets SMR ne permet donc pas d’infléchir le balancier : sous l’angle économique, l’urgence climatique n’est pas un argument pertinent pour justifier la relance du nouveau nucléaire.