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Le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, a présenté jeudi une nouvelle circulaire qui régit les critères à remplir pour régulariser les étrangers sans-papiers. Durée de séjour en France rallongée, attestation de niveau de français, OQTF "systématique" en cas de refus… InfoMigrants fait le point sur ce qui va changer, ou non.
Il n’y a plus de doute : Bruno Retailleau veut une ligne dure sur l’immigration. Le ministre de l’Intérieur français a transmis à l’ensemble des préfets, jeudi 23 janvier, une nouvelle circulaire "de fermeté" qui vient durcir les règles concernant l’obtention des cartes de séjour à titre exceptionnel des étrangers en situation irrégulière. Aussi appelée "admission exceptionnelle au séjour" (AES), de nombreux travailleurs sans-papiers comptent sur ce dispositif en France pour être régularisés.
Le ministre de l’Intérieur avait déjà indiqué à plusieurs reprises qu’il souhaitait "remplacer" la circulaire Valls, ce texte qui existait jusqu’ici et permettait d’accorder une carte de séjour, selon certaines conditions économiques ou pour des motifs familiaux.
InfoMigrants résume les points à retenir de ce nouveau document.
Une circulaire applicable à la discrétion du préfet
"Cette nouvelle circulaire rappelle que la régularisation n’est pas un droit. Passer par ce dispositif doit rester exceptionnel", déclare d’emblée Bruno Retailleau lors d’une conférence de presse vendredi. En 2023, sur les 450 000 sans-papiers
qui se trouvent en France, 34 734 personnes ont été régularisées au titre de l’AES, tous motifs confondus, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur. Ce qui représente un peu moins de 8% des sans-papiers dans le pays.
"On nous fait croire que la circulaire Valls, qui est à peine appliquée par les préfectures, régularisait en masse les sans-papiers. C’est n’importe quoi", expliquait Stéphane Maugendre, avocat spécialiste de l’immigration, à InfoMigrants en octobre. (...)
"C’est un simple courrier que les préfectures reçoivent, elles peuvent suivre la circulaire ou bien l’ignorer", rappelle Me Maugendre. En résumé, les préfectures n’ont pas l’obligation de l’appliquer. "La circulaire donne simplement des orientations et des repères aux préfets", souligne lui-même Bruno Retailleau ce vendredi.
Un mot d’ordre : "maîtriser les flux migratoires"
Déjà, la circulaire Retailleau ne change pas à proprement parler les modalités pour obtenir un titre de séjour pour les sans-papiers. Le nouveau document tient sur trois pages, contre 12 dans l’ancien texte. Il évoque peu de critères précis, contrairement à la feuille de route de 2012, et s’appuie plutôt sur les modalités inscrites dans la loi Immigration, promulguée en janvier 2024 par le gouvernement.
Mais globalement, il laisse les spécialistes en droit de l’immigration dans un certain "flou" : "Cette nouvelle circulaire, qui se dit être précise, ne l’est pas. Parce qu’on ne comprend pas bien les critères qui pourront permettre aux personnes en situation irrégulière de prétendre à une régularisation", déplore Aurore Krizoua, responsable séjour à La Cimade, auprès d’InfoMigrants. (...)
La différence entre la circulaire Retailleau et la circulaire Valls réside plutôt dans le ton et le changement de sémantique. Là où le document écrit en 2012 visait la "promotion d’une politique d’immigration lucide et équilibrée", le nouveau texte entend assurer "la maîtrise des flux migratoires, en particulier par la lutte contre l’immigration irrégulière". Plus largement, "le niveau d’exigence en termes d’intégration des étrangers à notre société doit être renforcé", accentue le ministre de l’Intérieur. (...)
Autre grande nouveauté : en cas de refus de la demande de régularisation, le préfet devra "systématiquement" délivrer une OQTF à l’étranger sans-papiers concerné.