Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Politis
Redonnons à « La Négresse » son nom basque d’origine
#memoire #Histoire #noms #langues #basque
Article mis en ligne le 30 décembre 2023
dernière modification le 28 décembre 2023

L’univers symbolique premier de l’être, sa saisie et sa vision du monde, est organisé par les noms propres : de personnes, de lieux… Les noms propres sont avant tout des faits de langage.

Il y a des noms de lieux qui sont porteurs d’une mémoire historique, quand bien même leurs significations échappent aux usagers. Parallèlement, et de manière superposée, il y a des lieux qui sont porteurs de noms historiques ou fruits d’une action délibérée de la part d’une autorité politique, la plupart du temps datée, qui marquent – c’est manifeste dans le cas présent – une rupture, un dérèglement des modes de transmission identitaire.

(...) Il est paradoxal et symptomatique que la substitution de la dénomination de ce quartier de Biarritz, appelé en langue basque Herausta, se fasse en utilisant une terminologie qui symbolise le substrat de la colonisation. L’usage du nom La Négresse aurait été marqué du sceau des troupes de Napoléon de passage dans la cité balnéaire en 1813, suite à leur déroute en Espagne, lesquelles auraient assidûment fréquentés un cabaret du quartier tenu par une femme racisée. Ce n’est que le 22 octobre 1861 qu’une délibération municipale officialise la dénomination La Négresse.

Le marquage linguistique d’un espace constitue un acte d’appropriation où nous pouvons lire les enjeux idéologiques et politique qui déterminent l’acte de nommer. (...)

Invisibiliser la langue basque

Au début du XIXe siècle, la langue véhiculaire des classes populaires à Biarritz était majoritairement le basque. Les noms propres des quartiers et des maisons que l’on retrouve dans les actes notariés des archives l’attestent. Mais il s’agit également d’une période dans laquelle s’installe une vision manichéenne qui cherche à invisibiliser la langue basque en tentant de la clôturer sur elle-même et de la présenter comme un univers dépassé, ou à dépasser, pour accéder au supposé progrès de l’humanité. (...)

La langue basque niée par la culture dominante, celle du pouvoir municipal, est progressivement condamnée à la sphère privée… (...)

L’expression basque izena duenak izana du (ce qui se nomme existe) résume à merveille les turpitudes de la dénomination du quartier biarrot. Dans un exercice de réparation historique et réappropriation de la mémoire collective, renommer le quartier par son nom d’origine, Herausta (errautsa, poussière) (2), serait un exercice louable, salutaire et essentiel.