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RDC  : Une guerre de trente ans
#RDCongo #Rwanda #France #MSF #femmes #violencessexuelles
Article mis en ligne le 5 décembre 2024
dernière modification le 3 décembre 2024

Le dernier rapport de l’ONG Médecins sans frontières (MSF) fait état d’une très forte augmentation des violences sexuelles au Kivu, région orientale de la RDC [1]. Plus de 25 000 femmes ont été soignées, sans compter celles qui préfèrent se taire. Un chiffre qui en dit long sur le calvaire que subit la population. Des violences dont sont coupables autant les différentes milices qui pullulent que les acteurs étatiques de la région. Quant aux puissances occidentales, si la France est à l’origine de cette guerre continue, les autres restent dans un attentisme confinant à une complicité garante d’un approvisionnement en minerais indispensables aux industries de haute technologie.

En 1994, c’est un dictateur sur le déclin qui cède aux pressions des représentants de la France pour faire de la région du Kivu la base arrière de l’opération militaire Turquoise au Rwanda, présentée comme une action humanitaire.
Du génocide rwandais à la guerre du Congo

Mobutu, alors au pouvoir depuis près de trente ans au Zaïre, qui deviendra plus tard la République démocratique du Congo (RDC), ne savait certainement pas que son accord allait ouvrir non seulement la fin de son règne mais le début de trois décennies de conflits. Une guerre hélas qui se prolonge toujours devenant une des plus longues et des plus meurtrières de l’histoire moderne de l’Afrique.

Bien que soutenu par la France, le pouvoir génocidaire rwandais n’est pas parvenu à contenir l’offensive du Front patriotique rwandais (FPR) dirigé par Paul Kagame et composé en grande majorité d’exilés tutsis mais aussi d’opposants hutus. Le FPR, en conquérant le pouvoir, a mis fin à l’extermination des Tutsis, provoquant la déroute du régime rwandais. Ce dernier a entrainé la population dans sa fuite, notamment vers le Zaïre, encadrée par l’opération française Turquoise.

Cette opération militaire a permis l’exfiltration des principaux dirigeants et de nombreux acteurs du génocide. À partir des camps de réfugiés, ils ont ensuite tenté de reconquérir le pouvoir par la force avec les armes conservées lors de leur exil mais aussi par des livraisons qui ont eu lieu en RDC sans que les autorités françaises ne s’y opposent.

Alors que le Rwanda était dévasté, les nouvelles autorités ont considéré les camps de réfugiés comme des menaces graves pour la sécurité du pays. C’est à partir de ces camps que les génocidaires ont recruté des combattants pour lancer leurs attaques contre le pays dans l’objectif captieux de reconquérir le pouvoir. Ils se sont installés durablement dans la région orientale du Congo et ont créé une milice, le Front démocratique de libération du Rwanda (FDLR).

Paul Kagame a mené des opérations armées contre les camps sans faire de distinction entre civils et génocidaires, et, avec l’aide de l’Ouganda, il a provoqué la chute du régime de Mobutu considéré comme bien trop conciliant avec les membres de l’ancien régime rwandais.
L’interventionnisme rwandais et ougandais

Le Rwanda et l’Ouganda ont participé à la création d’une guérilla l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) conduite par Laurent Désiré Kabila qui au bout de quelques mois s’est emparé du pouvoir. Ce fait militaire est considéré comme la première guerre du Congo. (...)

Encadré : Communiqué de Médecins sans frontières

Dans un rapport publié ce lundi, Médecins Sans Frontières (MSF) annonce avoir soigné, aux côtés du ministère de la Santé, un nombre sans précédent de victimes de violences sexuelles en République démocratique du Congo (RDC) en 2023 et au cours des premiers mois de 2024. MSF appelle l’ensemble des acteurs nationaux et internationaux à agir de toute urgence pour mieux prévenir ces violences et prendre en charge les victimes.

En 2023, les équipes de MSF ont soutenu la prise en charge de 25 166 victimes de violences sexuelles à travers le pays, soit plus de 2 victimes par heure.

S’appuyant sur les données de 17 projets mis en place par MSF en partenariat avec le ministère de la Santé dans cinq provinces du pays – Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri, Maniema et Kasaï-Central – ce chiffre est de très loin le plus élevé enregistré par MSF en RDC. Au cours des trois années précédentes, les équipes de MSF ont en moyenne pris en charge 10 000 victimes par an dans le pays. L’année 2023 marque donc une hausse massive des admissions.

Cette tendance s’est encore accélérée au cours des premiers mois de 2024 : dans la seule province du Nord-Kivu, 17 363 victimes ont été soignées avec l’appui de MSF entre janvier et mai – soit 69% du nombre total de victimes prises en charge en 2023 dans les cinq provinces précitées.

Les femmes déplacées, premières victimes

Analysées et vérifiées durant plusieurs mois, les données de prise en charge de 2023 présentées dans le rapport «  Nous appelons à l’aide  » révèlent que 91% des victimes soignées avec l’appui de MSF en RDC l’ont été dans la province du Nord-Kivu, où les affrontements entre le groupe M23, l’armée congolaise et leurs alliés respectifs font rage depuis fin 2021, poussant à la fuite des centaines de milliers de civils.

C’est précisément dans les sites de déplacés autour de Goma, qui n’ont cessé de grossir au cours de l’année 2023, que l’écrasante majorité des victimes (17 829) ont été prises en charge.

«  D’après les témoignages de nos patientes, les deux tiers d’entre-elles ont été agressées sous la menace d’une arme  », explique Christopher Mambula, responsable des programmes de MSF pour la RDC. «  Ces agressions ont eu lieu dans les sites mêmes, mais également à proximité de ceux-ci, lorsque les femmes et les filles – qui représentent 98% des victimes soignées par MSF en RDC en 2023 – sortent pour aller ramasser du bois, chercher de l’eau ou se rendent dans des champs.  »

Si la présence massive d’hommes armés dans et à proximité des sites de déplacés explique cette explosion des violences sexuelles, l’insuffisance de la réponse humanitaire et les conditions de vie inhumaines dans ces sites les alimentent. Le manque de nourriture, d’eau et d’activités génératrices de revenus aggrave la vulnérabilité des femmes et des filles (une victime sur dix soignée par MSF en 2023 était mineure), contraintes de se déplacer dans les collines et les champs autour des sites où se trouvent de nombreux hommes armés. D’autres sont victimes d’exploitation sexuelle pour subvenir aux besoins de leur famille. Dans les sites, le manque d’installations sanitaires et d’hébergements sûrs pour les femmes et les filles les expose aux agressions.

«  Sur le papier, les programmes de prévention et de réponse aux besoins des victimes de violences sexuelles semblent nombreux. Mais sur les sites de déplacés, nos équipes luttent chaque jour pour pouvoir référer les victimes qui ont besoin d’aide, poursuit Christopher Mambula. Les quelques programmes qui existent sont toujours trop courts dans le temps et largement sous-dimensionnés : pour protéger les femmes et répondre aux besoins urgents des victimes, la mobilisation de tous est nécessaire.  »

Un appel urgent à l’action

A partir des besoins exprimés par les victimes, le rapport de MSF liste une vingtaine de mesures à mettre en place de toute urgence, adressées aux parties au conflit, aux autorités congolaises nationales, provinciales et locales ainsi qu’aux bailleurs de fonds internationaux et au secteur humanitaire dans son ensemble.

MSF plaide pour que les conditions de vie dans les sites de déplacés soient enfin améliorées, en renforçant notamment l’accès aux besoins essentiels – nourriture, eau, activités génératrices de revenus – ainsi qu’à des installations sanitaires et hébergements éclairés et sûrs. Ces investissements doivent en outre s’accompagner de davantage de travail de sensibilisation sur les violences sexuelles. Les financements humanitaires doivent être suffisamment flexibles pour répondre aux besoins émergents et urgents.

MSF appelle également à investir dans une meilleure prise en charge médicale, sociale, juridique et psychologique des victimes de violences sexuelles. Cela passe notamment par des financements assurés sur le long terme, permettant un renforcement de la formation médicale, l’approvisionnement des structures de soins en kits post-viol, l’accompagnement juridique, la mise sur pied d’hébergements pour les survivantes ainsi que d’activités d’information et de sensibilisation visant à prévenir la stigmatisation ou la marginalisation des victimes, qui les empêchent parfois d’aller chercher de l’aide. Au vu du grand nombre de demandes d’interruptions de grossesse des victimes, MSF appelle aussi à finaliser l’adaptation du cadre législatif national afin de garantir l’accès à des soins complets d’avortement médicalisé.

Les violences sexuelles sont une urgence médicale et humanitaire de premier ordre en RDC. D’après le dernier bulletin d’information du Gender-Based Violence Area of Responsibility (GBV AoR) RDC [2], qui compile les données des différentes organisations humanitaires offrant des services de prises en charge des violences de genre dans 12 provinces de la RDC, 55 500 survivants de violence sexuelle ont reçu une prise en charge médicale au cours du deuxième trimestre 2024.

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