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France24
Qui sont les Afrikaners accueillis comme "réfugiés" aux États-Unis par Donald Trump ?
#USA #Trump #Musk #AfriqueduSud #immigration
Article mis en ligne le 14 mai 2025

Une cinquantaine d’Afrikaners, des descendants des premiers colons européens en Afrique du Sud, ont été accueillis aux États-Unis avec la bénédiction de Donald Trump, qui a pris un décret pour les reconnaître comme réfugiés. Cette décision est contestée par les autorités sud-africaines, qui démentent toute persécution.

C’est en grande pompe qu’un premier groupe de 49 Afrikaners, des descendants des premiers colons européens en Afrique du Sud se disant "persécutés" par les autorités de leur pays, ont été accueillis lundi 12 mai aux États-Unis en tant que réfugiés, à l’aéroport international de la capitale fédérale Washington.

À cette occasion, ils ont été reçus sous les drapeaux américains par le numéro deux du département d’État, Christopher Landau. "Bienvenue aux États-Unis d’Amérique, la terre de la liberté", a-t-il lancé, ajoutant qu’ils sont la "cible d’une persécution flagrante à cause de leur race". Christophe Landau a même comparé leur venue à celle de son père, un juif autrichien ayant fui l’Europe dans les années 1930 pour rejoindre l’Amérique. (...)

Peu avant l’arrivée de cette cinquantaine d’Afrikaners, Donald Trump avait justifié leur accueil par leur "situation terrible", évoquant une nouvelle fois un "génocide". "Des agriculteurs se font tuer. Il se trouve qu’ils sont blancs, mais qu’ils soient blancs ou noirs ne fait aucune différence pour moi", a-t-il assuré à la Maison Blanche. "Nous avons donc proposé la nationalité [américaine] à ces gens pour leur permettre d’échapper à cette violence et de venir ici", a-t-il précisé.

Le président américain a pris le 7 février un décret leur accordant le statut de réfugiés. Ce texte encourage la "réinstallation" des Afrikaners "fuyant la discrimination raciale encouragée par le gouvernement", selon lui. (...)

C’est de cette frange de la population que sont en effet issus les dirigeants politiques qui ont institué l’apartheid, système de ségrégation raciale ayant privé la population noire – très majoritaire – de la plupart de ses droits, de 1948 jusqu’au début des années 1990. Dans l’idée des Afrikaners, il s’agissait alors de se protéger du "swart gevaar" (le "péril noir", en afrikaans).

C’est finalement un Afrikaner, le président Frederik de Klerk, qui met fin au système d’apartheid en 1991. Trois ans plus tard, en mai 1994, Nelson Mandela prend la tête d’une Afrique du Sud unifiée et devient le premier président noir. Pour Gilles Teulié, il a réussi à instaurer une transition pacifique : "Il n’a pas voulu prendre les terres aux Blancs pour les donner aux Noirs comme cela a été fait chez le voisin du Zimbabwe. La restitution des terres s’est faite progressivement, mais n’a pas atteint les résultats escomptés. Alors qu’on devrait être aujourd’hui à 50 % de terres restituées, on n’en est qu’à 30 %." (...)

Le pays le plus inégalitaire au monde

Alors que la minorité blanche représente un peu plus de 7 % de la population, elle possédait 72 % des terres agricoles en 2017, selon des statistiques gouvernementales. D’après un rapport de la Banque mondiale publié en 2022, l’Afrique du Sud est le pays le plus inégalitaire au monde, la "race" jouant un facteur déterminant dans une société où 10 % de la population possède plus de 80 % des richesses.

Pour tenter d’infléchir ces chiffres, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a signé en janvier une loi autorisant la saisie de terres, parfois sans compensation, pour "promouvoir l’inclusivité et l’accès aux ressources naturelles". "Il a fait cela pour faire un geste vers la frange la plus à gauche de l’ANC [le Congrès national africain, actuellement au pouvoir, NDLR] et pour affaiblir les partis populistes qui ont fait des bons scores lors des dernières élections", juge Gilles Teulié. (...)

Mais le nouveau président américain s’est emparé du sujet. Dès l’annonce de cette nouvelle loi, Donald Trump l’a qualifiée de "violation massive des droits humains" et a coupé toute aide à l’Afrique du Sud. Selon l’historien, le locataire de la Maison Blanche veut ainsi "apparaître comme le protecteur des suprémacistes blancs". Il note également que celui-ci est conseillé par Elon Musk, né en Afrique du Sud. (...)

Enfin, il estime que les griefs du président américain portent aussi contre la plainte pour "génocide" visant Israël pour sa guerre menée à Gaza, que l’Afrique du Sud a déposée devant la Cour internationale de justice (CIJ) : "Trump veut défendre Israël alors que l’ANC a toujours eu des liens très forts avec les Palestiniens." (...)

Ce spécialiste de la région constate par ailleurs que le terme de "génocide" employé par le président américain n’a pas lieu d’être : "Il a été monté de toutes pièces par des Afrikaners radicaux qui ont effectivement constaté qu’il y avait des meurtres de fermiers blancs, avec notamment une vague au début des années 2000, mais cela ne relève pas du racisme, mais de la pauvreté." (...)

En réaction à l’accueil des 49 Afrikaners aux États-Unis, le chef de la diplomatie sud-africaine Ronald Lamola a ainsi balayé toute forme de persécution à l’encontre des membres de cette communauté. "Les rapports de police ne confirment pas l’allégation de persécution des Sud-Africains blancs sur la base de leur race", a-t-il insisté lundi lors d’une conférence de presse. "La criminalité que nous connaissons en Afrique du Sud touche tout le monde."

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa s’est lui aussi inscrit en faux contre l’arrivée de ses compatriotes à Washington. "Un réfugié est quelqu’un qui doit quitter son pays par peur de persécution politique, religieuse ou économique. Ils ne correspondent pas à cette définition", a-t-il déclaré lors d’un forum économique africain à Abidjan, en Côte d’Ivoire. "C’est un groupe marginal qui n’a pas beaucoup de soutien, qui est contre la transformation et le changement. Et qui préférerait voir l’Afrique du Sud revenir à des politiques d’apartheid", a-t-il accusé.