
Recyclage, coton responsable... Au-delà des effets d’annonce de la marque de vêtements low-cost Primark, la réalité est simple : la surconsommation détruit la planète.
(...) Sur son site internet, la marque explique que cette gamme a pour objectif « de donner une plus longue vie aux vêtements, protéger la vie sur notre planète et améliorer la vie des gens ». (...)
Primark affirme travailler sur un programme de coton plus durable appelé Primark Sustainable Cotton Programme (PSCP). Lancé en 2013, ce projet a pour but de réduire les effets environnementaux du coton de la marque. Or, ce label a été créé par l’entreprise elle-même, laissant planer le doute sur son efficacité. « Qu’est-ce que ça implique du “coton écoresponsable” ? Nous avons besoin de précision. Il est nécessaire d’avoir un étiquetage très détaillé pour connaître précisément l’impact environnemental et social des produits », explique à Reporterre Delphine Dion, professeure à l’Essec Business school. « Pour le coton bio, il y existe des certifications officielles [le label Oeko-tex par exemple] mais pour leur programme de coton, il faut leur faire confiance », remarque Flore Berlingen, autrice et ancienne directrice de Zéro Waste France.
Autre point flou de Primark cares : son utilisation de coton biologique et de matières recyclées. (...)
le coton biologique ne représente qu’1 % de la production totale dans le monde, selon un rapport de l’ONG Textile exchange, publié en 2022. Les chances que ce 1 % soit utilisé pour fabriquer les vêtements de Primark est minime. (...)
« recycler du textile est très difficile, explique Delphine Dion. Très peu de vêtements sont en réalité recyclables. Il est très difficile, par exemple, de recycler des vêtements avec des matières différentes ou avec des fermetures éclairs. Un t-shirt en coton est également recyclable mais si on ajoute une inscription plastique, cela sera quasiment impossible. »
La surconsommation, « le piège des petits prix »
Recycler c’est bien, mais un problème subsiste dans l’essence même de la marque : la surconsommation. Il suffit de rentrer dans un magasin pour observer des dizaines de vêtements empilés dans les rayons. (...)
« En faisant autant de volumes, on ne peut pas dire qu’on fait attention aux problèmes de surproduction », affirme Audrey Millet, historienne de la mode et auteure du Livre noir de la mode (éd. Les Pérégrines, 2020). (...)
L’offre est d’autant plus attrayante pour les consommateurs que les prix proposés sont dérisoires. (...)
Leur communication autour de l’environnement, c’est aussi une manière de rassurer l’acheteur, en envoyant le message qu’on peut continuer à consommer de la même manière. Mais cela masque totalement le problème principal : celui des quantités. »
Dictatures, travail des enfants, environnement abîmé... (...)
« Quand on regarde la carte des usines Primark, on remarque que la marque s’installe automatiquement dans des zones à risques. Il y en existe trois types : les risques politiques, où il y a des juntes militaires ou des dictatures, des risques sur les règles portants sur l’environnement et des risques sur les conditions de travail, où les ouvriers peuvent avoir des difficultés à se syndiquer et où les enfants travaillent », pointe Audrey Millet.
L’enseigne irlandaise affirme sur son site ne posséder aucune usine qui fabrique les produits qu’elle vend. Avec ce recours quasi-automatique à la sous-traitance, Primark peut alors difficilement contrôler régulièrement le respect des droits des ouvriers. (...)
« Il faudrait un travail important des institutions publiques au niveau international, européen et national pour réguler les pratiques des entreprises que ce soit au niveau des méthodes de production ou de leur communication. Il est aussi important de mieux informer les consommateurs pour leur permettre de prendre des décisions en connaissance de cause et les inciter à consommer moins pour acheter mieux », conclut Delphine Dion.