
Regardez attentivement les images des affrontements violents qui se sont déroulés en Angleterre et en Irlande du Nord et vous remarquerez quelque chose dont personne ne parle : les émeutiers que l’on voit se bagarrer, crier des insultes racistes, s’en prendre à la police et mettre le feu à des bâtiments sont souvent dans la quarantaine, la cinquantaine voire la soixantaine.
Sur les 11 personnes arrêtées à Sunderland le 3 août, quatre correspondent à cette catégorie démographique. Une autre était un retraité de 69 ans.
La radicalisation des quadras, quinquas et sexagénères est un phénomène émergent, mais négligé, qui a été mis en évidence par ces émeutes.
Le fait que les affrontements actuels soient attisés par de fausses rumeurs sur les réseaux sociaux ne doit sans doute rien au hasard. En effet, mes recherches en cours montrent que cette classe d’âge est plus prompte qu’une autre à adhérer à de fausses informations et des théories du complot.
Se radicaliser à quarante ans passés
On parle souvent de la catégorie des « plus de 50 ans », qui comprend aussi les personnes très âgées, qui n’ont pas grand-chose en commun avec le groupe qui nous intéresse ici. Les gens entre 40 et 65 ans ne sont pas nés avec Internet, mais ils sont sur Internet. Surtout, ils connaissent moins les dangers de la désinformation en ligne que les plus jeunes, puisqu’on ne leur a ni appris ni montré. De nos jours, des efforts considérables sont déployés pour apprendre aux jeunes à naviguer en toute sécurité sur Internet, mais les autres sont passés au travers. (...)
Ce besoin de comprendre cette classe d’âge de 40 à 65 ans et sa vulnérabilité à l’extrémisme véhiculé par les réseaux sociaux a motivé un projet de recherche financé par l’UE, qui en est actuellement à sa deuxième année. Pour la première fois, des chercheurs de toute l’Europe s’intéressent à ce groupe de population afin d’étudier comme les réseaux sociaux et les contenus en ligne peuvent les pousser vers les zones sombres de l’extrémisme. (...)
Une population invisibilisée
La classe d’âge entre 40 et 65 ans est souvent assez engagée politiquement et elle a tendance à se déplacer aux urnes. Elle a donc du poids et, souvent, des idées politiques bien arrêtées.
Or, cette classe d’âge est relativement invisible. (...)
Parce qu’on met toujours l’accent sur la jeunesse, on ne se dit pas que les gens plus âgés sont en première ligne dans la radicalisation en ligne. On pense surtout aux jeunes, qui seraient faciles à impressionner et à manipuler. Certains ont donc été surpris de voir autant de personnes âgées dans les émeutiers qui ont causé tant de dégâts en Angleterre et en Irlande du Nord.
Exprimer sa colère sur les réseaux sociaux
Quand un groupe de personnes, quels qu’ils soient, est ignoré, alors le sentiment d’exclusion et d’isolement le pousse vers les marges d’Internet. En ligne, le mécontentement est nourri et encouragé. Les gens sont poussés à exprimer leur colère et à échanger avec des pairs, d’âge et de groupe socio-économique comparables. (...)
La nature d’Internet c’est que l’information y circule librement et qu’on ne peut pas l’arrêter. Il est pratiquement impossible d’empêcher la diffusion de contre-vérités et de fausses rumeurs sur le net. Et plus elles sont chargées d’émotions, plus elles seront partagées.
Cette information, quand elle est entre les mains d’un groupe qui n’a pas toutes les clés pour comprendre Internet, parce qu’il n’est pas né avec, et qui passe sous le radar des autorités qui travaillent sur la radicalisation, peut être potentiellement dangereuse, comme l’illustre ce qu’il se passe dans les rues du Royaume-Uni.