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Pourquoi la loi anti-fast-fashion est retardée
#modejetable #antifashion #lobbys
Article mis en ligne le 19 mars 2025
dernière modification le 17 mars 2025

Un an après le vote à l’unanimité de la proposition de loi anti-fast-fashion par les députés, elle n’est toujours pas devant le Sénat. Ce n’était pas la priorité du gouvernement, et les marques de mode jetable ont tenté de freiner le processus.

Mise à jour : le 14 mars 2025, la députée Anne-Cécile Violland a annoncé que la loi allait être inscrite au calendrier du Sénat. Elle devrait être examinée par le Sénat « avant l’été » selon la ministre déléguée au Commerce, Véronique Louwagie.

Le texte prévoit des amendes pour pénaliser les produits extrêmement polluants, de récompenser les entreprises vertueuses et d’interdire la publicité pour « l’ultra-fast-fashion ». Alors que le Sénat devait l’examiner à partir du 26 mars, la proposition de loi ne figure pas à l’agenda et le gouvernement ne l’a pas inscrite à l’ordre du jour du Palais Bourbon. Où est-elle passée ?

Ce retard s’explique par de multiples causes, dont la frilosité du gouvernement et le lobbying des marques de « mode jetable » type Shein, qui a embauché d’anciennes figures politiques comme Christophe Castaner.

La coalition Stop fast-fashion, à laquelle participent Les Amis de la Terre, Emmaüs France et six autres ONG, compte bien la faire sortir des tiroirs. Elles ont déposé 10 tonnes de déchets textiles devant le Sénat vendredi 14 mars au matin. (...)

« avec 150 milliards de vêtements produits chaque année, l’industrie textile mondialisée représente 10 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, c’est plus que les trafics aérien et maritime réunis ».
Shein mobilise ses réseaux

Le texte, porté par la députée (Horizons) Anne-Cécile Violland et soutenu par Christophe Béchu puis Agnès Pannier-Runacher — actuelle ministre de la Transition écologique — semblait pourtant faire consensus. « C’est les montagnes russes, l’examen par les députés est allé très vite, mais la dissolution de l’Assemblée nationale puis la chute du gouvernement Barnier a ralenti le processus », constate Tarek Daher.

Selon Jacques Fernique, sénateur écologiste du Haut-Rhin, c’est surtout « au niveau de Matignon que ça coinçait. François Bayrou estime que la loi n’offrirait pas de gain politique car elle intéresserait seulement les bobos parisiens ». Après une réunion ministérielle mercredi 12 mars, le Premier ministre aurait changé d’avis (...)

Le retard dans le calendrier pourrait aussi être lié aux pressions des industriels de la « fast-fashion ». On a ainsi vu Christophe Castaner (ministre de l’Intérieur entre 2018 et 2020), embauché par Shein, défendre la marque dans les médias, bien qu’il se défende d’avoir été embauché pour faire du lobbying.

En janvier, l’ancien ministre s’est, par exemple, opposé à la création d’une taxe visant à freiner Shein. (...)

Le géant chinois a aussi recruté Nicole Guedj (secrétaire d’État aux Droits des victimes sous la présidence de Jacques Chirac) ainsi que l’ex-patron de la Fédération française des assurances, Bernard Spitz, en décembre 2024. Leurs postes : conseillers au sein du comité de responsabilité sociétale de Shein.

Le média spécialisé dans la seconde-main cm-cm a révélé que l’entreprise chinoise avait aussi contacté plusieurs députés lors de l’examen du texte en mars 2024 pour leur proposer une rencontre avec le directeur des affaires publiques de la marque, dans le cadre des débats sur la « fast-fashion ». (...)

Le jeu d’équilibriste des marques françaises

Le groupe Shein n’est pas le seul à scruter la proposition de loi. Plusieurs enseignes françaises ont intérêt à ralentir le processus d’adoption. Objectif : réduire son périmètre d’application. (...)

C’est un jeu d’équilibriste : faire en sorte que la loi soit sévère pour les géants étrangers mais qu’elle ne s’applique pas au secteur français.

Pour savoir qui sera ciblé, tout va dépendre du seuil sur le nombre de références proposées chaque jour par les marques sur les sites. (...)

Second élément qui inquiète le secteur de l’habillement français : la mise en place d’un bonus malus fondé sur l’affichage environnemental textile. Des pénalités financières seront appliquées aux vêtements à fort impact environnemental. Ce bonus sera calculé à partir de plusieurs critères comme les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’eau nécessaires pour la production du vêtement, mais aussi sa durabilité. (...)
Enfin, un autre secteur de la mode qui n’a pas intérêt à ce que la loi anti-fast-fashion soit trop sévère envers Shein et Temu est le secteur du luxe, selon Pierre Condamine : « On peut supposer que les groupes de luxe comme LVMH qui ont beaucoup de clients en Chine ne veulent pas voir des mesures de rétorsion de la Chine contre leurs produits. »