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club de Médiapart/ Kevin Vacher Sociologue, militant et praticien de l’éducation populaire
Pourquoi je n’étais pas à la marche de dimanche (à contre-coeur)
#Israel #Hamas #Palestine #Gaza #Cisjordanie #antisemitisme
Article mis en ligne le 15 novembre 2023
dernière modification le 14 novembre 2023

J’aimerais vous raconter* pourquoi, à contre-cœur, je ne suis pas allé à la marche contre l’antisémitisme. Il ne s’agit pas d’un désintérêt, au contraire. Il ne s’agit pas non plus d’une prise de position politique, juste de ce que j’ai ressenti ces derniers jours.

Comme pour beaucoup, un appel à manifester lancé par les présidentEs des deux assemblées, Larcher et Braun-Pivet, ça ne me parle pas.

Comme beaucoup, l’annonce de la présence du RN, le parti qui est historiquement celui des collabos, de l’OAS et des SS m’a fait douter sur ma venue à cette marche.

Parmi mes amiEs, certainEs sont alléEs marcher et je respecte cette démarche. (...)

Quoiqu’il en soit, y aller ou non, les deux positions s’entendent lorsqu’elles sont exprimées par des antiracistes sincères. J’ai vu également beaucoup de dirigeantEs politique, blancHEs et de gauche, se lancer des invectives, des accusations de parts et d’autres, souvent opportunistes. Je ne me suis pas reconnu dans ces échanges. D’abord, parce que les leçons de parts et d’autres ne m’intéressent pas : la question était dès le départ faussée. L’on dit que lorsque l’on aime pas les cartes qu’on a en main, il faut les rebattre.

Sauf que... nous ne les avions pas en main, nous les avons perdues depuis longtemps, elle étaient restées à terre, jusqu’à ce que le camp d’en face fasse mine de les récupérer de leurs grosses mains pleines des sédiments de la peste brune. Voilà la première chose que nous devrions admettre. (...)

La gauche n’est plus à la hauteur du combat contre tous les racismes et contre l’antisémitisme. Nous en payons le prix. Le reconnaître devrait être la base d’un travail de fond. Sans la gauche et ses valeurs, l’antiracisme est isolé, il peut être récupéré pour être détruit. Sans l’antiracisme, la gauche n’est plus.

Mais surtout, il y a autre chose, dont je me suis rendu compte hier en voyant les images des marches dans ma ville, Marseille, et ma ville natale, Nice. À Marseille, j’ai vu notre maire (de gauche) derrière une banderole avec Valérie Boyer, celle qui demandait la déchéance de nationalité de Karim Benzema. J’ai vu Stéphane Ravier, sénateur Zemmourien, et son service d’ordre issu de l’Action Française, faire une percée violente. Plus encore, à Nice, j’ai vu Philippe Vardon à la tribune. Cet homme est un ex-skinhead, néonazi, Zemmourien aussi, désormais élu municipal et régional. Cet homme fait partie de ceux qui m’ont déjà couru après avec ses sbires identitaires, quand j’étais adolescent, dans mon quartier (où se trouvait aussi leur local).

Il fait partie des raisons pour lesquelles j’ai quitté Nice, une ville empestée depuis longtemps par la violence fasciste à chaque rue, contre les non-blancHEs, les gauchos, les SDF. Ces gens sont un danger constant pour nous. La violence raciste, je l’ai vécue comme beaucoup d’autres. À cela s’ajoute la répression policière, celle contre les manifs (hier y compris) mais aussi celle du quotidien, qui nous touche inégalement. (...)

J’imagine que nous sommes beaucoup, juifVEs, musulmanEs, non blancHEs de façon générale, à avoir ressenti la même chose hier, que nous ayons ou non marché : nous n’étions pas en sécurité, nulle part, où que nous soyons. Je ne suis pas en sécurité aux côtés d’une Boyer, d’un Vardon ou d’un Ravier. Si Larcher, Braun Pivet** et consors comprenaient quoique ce soit au racisme tel qu’il est vécu par la majorité d’entre nous, iels les auraient dégagéEs. Je suis sûr que même des gens de droite sincères peuvent comprendre cela. (...)

Aller ou non à cette marche, je respecte donc les deux positions. Finalement, je n’ai pas vraiment choisi, j’ai juste reculé devant un risque que je ressentais, devant l’impasse à laquelle nous étions touTEs confrontéEs et plus ou moins conscient du choix par défaut que je faisais. Je rêve cette semaine de voir la gauche à la hauteur des enjeux. (...)