
Après avoir tenté, pendant près d’une décennie, d’obtenir des papiers en Allemagne, Mohamed Jalal a été expulsé. Dans son Kurdistan d’Irak natal, c’est un retour à la case départ, dans le dénuement le plus total.
Comme lui, des milliers d’Irakiens et d’autres venus du sud de la Méditerranée sont refoulés d’une Europe qui durcit ses politiques migratoires, en pleine montée de l’extrême droite. Pour encourager les retours, des pays européens engagent des partenariats avec l’Irak, au moment où ce pays renoue avec un semblant de normalité après des conflits à répétition. Ils investissent dans des programmes de réinsertion et de formation professionnelle.
Rentré à Ranya, une ville du nord de l’Irak, Mohamed Jalal s’est réinstallé avec son père âgé dans un appartement exigu. Dans la principale pièce à vivre, ils dorment sur de fins matelas de mousse posés à même le béton. "Si je pouvais retourner en Europe je le ferais. Si ma demande était acceptée, je serais en règle et je travaillerais dans un restaurant kurde, sans toucher d’allocations publiques", plaide-t-il. "Ici, je n’ai pas d’emploi", lâche Mohamed Jalal, 39 ans. (...)
Après deux rejets de sa demande d’asile, il est renvoyé en Irak en janvier 2024. Mohamed Jalal tente d’ouvrir une boulangerie, sans succès. Durant deux mois, il travaille sur un stand de fallafel pour sept dollars par jours. Aujourd’hui il vit grâce aux 150 dollars mensuels envoyés par des proches en Grande-Bretagne.
Au dernier trimestre 2024, près de 125 000 citoyens non-européens ont reçu l’ordre de quitter un pays de l’Union européenne, 16,3% de plus que durant la même période en 2023. (...)
Après quatre décennies de conflits et les exactions du groupe État islamique (EI), qui ont provoqué des vagues de migrations, l’Irak, riche en pétrole, a retrouvé une relative stabilité. Même si persistent corruption endémique et politiques publiques défaillantes.
À Bagdad et à Erbil, l’agence de développement allemande GIZ gère des centres proposant aux exilés de retour formations professionnelles et accompagnement à la création d’entreprise. Le programme est financé par les autorités allemandes, suisses et par l’Union européenne. Entre juin 2023 et mai 2024, ces centres ont "conseillé et soutenu" quelque 350 personnes, rentrées notamment d’Allemagne, de l’UE ou de la région, précise GIZ à l’AFP. (...)
En 2023, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a parrainé les "retours volontaires" de 1 577 Irakiens souhaitant rentrer depuis une vingtaine de pays, dont l’Allemagne et la Turquie.
Revoir l’Europe "en touriste"
Avec des financements danois et finlandais, la fondation kurde Rwanga a lancé en 2023 un programme de réinsertion. À ce jour, plus de 120 personnes ont suivi des formations pour élaborer un business plan et créer leur micro-entreprise. Quinze ont reçu une bourse de 4 000 à 5 000 euros.
Souvent, c’est pour se lancer dans "la construction ou la menuiserie, la réparation de portables et d’appareils électroniques, la restauration ou la vente au détail. Pour les femmes, les salons de beauté", poursuit Kamiran Shivan, responsable des programmes chez Rwanga. (...)
Certaines personnes se sont parfois endettées pour émigrer, rappelle-t-il. Rentrées bredouilles, "elles n’ont pas de revenus pour rembourser". (...) (...)