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France24/AFP
Plan de Trump pour Gaza : "pas totalement réaliste, mais pas totalement exclu"
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza #Trump
Article mis en ligne le 6 février 2025

La proposition du président américain de déplacer de force des centaines de milliers de Palestiniens hors de Gaza, où il souhaite créer la "Riviera du Moyen-Orient", se heurte à des obstacles majeurs soulignés mercredi par plusieurs experts. Selon eux, toutefois, les propos de Donald Trump doivent être pris au sérieux et inciter la communauté internationale à hausser le ton

Une "déclaration surprenante", mais qu’il faut tout de même "prendre au sérieux", estiment les observateurs, mercredi 5 février. Certes, les projets évoqués par Donald Trump concernant une éventuelle prise de contrôle de Gaza par les États-Unis et un déplacement des habitants palestiniens, relèvent pour l’heure d’un fantasme assez irréalisable, tant ils soulèvent une avalanche d’oppositions.

Mais ces propos rappellent d’autres idées lancées par le président américain, comme celles d’annexer le canal de Panama et le Groenland, faire du Canada le 51e État américain, ou encore d’envoyer les "criminels endurcis" américains au Salvador. Et comme les autres, sa proposition bute sur une multitude d’obstacles.

Cependant, pour les experts, de telles déclarations ne sont pas anodines et méritent que la communauté internationale hausse le ton pour s’opposer à des propos largement considérés comme une violation du droit international.

1er obstacle : l’enracinement palestinien à Gaza

Le projet de Donald Trump fait peu de cas de l’attachement des Palestiniens à leur terre, dont a pourtant témoigné le retour vers le nord de la bande de Gaza, dès après le cessez-le-feu, d’un demi-million de déplacés par la guerre entre Israël et le Hamas. (...)

"Au cours des 15 derniers mois, en dépit de toutes les tentatives de génocide de la part des forces d’occupation militaires israéliennes, le peuple palestinien n’est pas parti, il est resté sur sa terre."

Israël a rejeté à plusieurs reprises les accusations de "génocide" formulées à son encontre par des pays, comme l’Afrique du Sud, ou des ONG comme Amnesty international.

L’ambassadeur palestinien aux Nations unies, Riyad Mansour, l’a quant à lui martelé mardi : "Notre patrie est notre patrie." Et de prendre Donald Trump à son propre piège : "Laissez [les Palestiniens] retourner dans leurs foyers d’origine en Israël, il y a de beaux endroits là-bas."

2ème obstacle : le droit international

En se prononçant en ces termes, Donald Trump brise des tabous du droit international hérité de l’après-guerre, dont Washington s’était fait le chantre – au moins dans le discours. (...)

"Sa vision constitue une incitation aux crimes, ou aux déplacements forcés contre le peuple palestinien", poursuit l’universitaire palestinienne, qui dénonce aussi une "punition collective". Des qualifications juridiques qui sont, rappelle-t-elle, "toutes classées dans la catégorie des crimes de guerre dans le droit international". (...)

La plupart des experts réagissant aux déclarations du président américain soulignent toutefois l’absurdité de tels propos en termes de droit.

Washington ne pourrait prendre le contrôle de Gaza qu’avec le consentement d’Israël, qui "ne peut pas céder Gaza aux États-Unis", note Tamer Morris, spécialiste de droit international à l’Université de Sydney, en Australie.

Même l’Autorité palestinienne "ne peut pas donner ce consentement au nom d’un peuple", qui a "le droit de disposer" de lui-même, ajoute-t-il sur le site The Conversation.

Mais le discours en lui-même est selon lui dangereux. "La manière désinvolte dont Trump discute de choses telles que la prise de contrôle d’un territoire, et le déplacement d’une population, donne l’impression que ces règles peuvent facilement être enfreintes."

Or, l’ONU l’a rappelé mercredi : le droit international prohibe tout transfert forcé ou expulsion de population d’un territoire occupé.

Aussi, sur France 24, Dalal Iriqat demande à la communauté internationale "de passer de la rhétorique à l’action".

"Le moment est venu de passer de la rhétorique à l’action", poursuit-elle. "Il faut rappeler à Trump que la première victime de l’instabilité dans la région est le peuple palestinien, et que ce peuple a des droits. Et que c’est pour cela qu’il [Trump] n’aura pas de rivieira à Gaza."

3ème obstacle : l’opposition des pays arabes

Contrairement à ce qu’affirme Donald Trump, les États arabes s’opposent au projet. L’Égypte, la Jordanie, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et le Qatar ont rejeté samedi toute "atteinte aux droits inaliénables" des Palestiniens. (...)

Cependant, "on peut s’attendre à ce que Trump utilise un certain nombre de leviers de pression, notamment financiers", analyse Myriam Benraad, professeure en relations internationales à l’Université internationale de Schiller, évoquant notamment l’Égypte, qui "dépend d’un certain nombre d’aides américaines pour sa propre survie".

Aussi, estime l’universitaire, si le plan annoncé par Donald Trump n’est "pas totalement réaliste", il n’est toutefois "pas totalement exclu, compte tenu du virage que veut prendre cette administration". (...)

Une levée de boucliers est également prévisible au sein des opinions publiques. "Attendez-vous à ce que les réactions passent de la confusion à l’indignation, y compris avec des manifestations à travers le Moyen-Orient et au-delà dans les prochains jours", avertit Emily Harding, du think-tank CSIS, à Washington.

"Il anéantit la solution à deux États", déplore sur France 24 Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen. "Quand il parle de ’vider’ Gaza et de créer une rivieira, une Côte d’Azur... Mais enfin, ce n’est pas Miami !", s’insurge le chercheur, qui estime que "dire que Gaza doit vider sa population, c’est annuler Gaza de la carte".

Pour le spécialiste, il n’existe qu’une seule solution au problème actuel : revenir à des élections intrapalestiniennes. "Je ne vois pas pourquoi Trump dicte sa position aux Palestiniens. Tout le drame depuis 1948, c’est qu’on a toujours décidé à la place des Palestiniens." (...)

4e obstacle : les promesses de Trump et l’histoire américaine

Le projet de Donald Trump supposerait d’envoyer des soldats américains à Gaza. Une première entorse à ses promesses de campagne.

Selon Hasni Abidi, les déclarations polémiques de Trump sont largement inspirées de "celles de son gendre, Jared Kushner, quand il était en charge du Moyen-Orient [sous la précédente administration Trump], il avait dit qu’il fallait ’nettoyer’ la bande de Gaza et créer un espace prospère". (...)

Certes très affaibli par 15 mois de guerre, le Hamas n’est pourtant pas éradiqué, contrairement à l’objectif fixé par Benjamin Netanyahu. Avec son allié, le Jihad islamique, le Hamas peut mener à une guérilla violente pour contrecarrer le plan américain. Et les bourbiers historiques dans lesquels les États-Unis se sont enfoncés au Vietnam, en Afghanistan et en Irak, demeurent ancrés dans la mémoire américaine.

"C’est contradictoire avec son idée de ’l’Amérique d’abord’", relève un diplomate européen à Jérusalem. "Mais il se dit que ça va bien se passer, que ce n’est pas une guerre, pas l’Afghanistan, pas l’Irak. Il pense sincèrement qu’il va les convaincre [...]. C’est ça qui est très inquiétant."

Prudence en Israël

Mercredi, la classe politique israélienne restait prudente, à l’exception des soutiens de Benjamin Netanyahu. (...)

"L’extrême droite est extatique, elle jubile", constate de son côté David Khalfa, auteur de l’ouvrage "Israël-Palestine, année Zéro".

"Les éléments les plus modérés du Parlement félicitent Trump, mais émettent des doutes sur la faisabilité de son plan", note-t-il. Le chef de l’opposition Yaïr Lapid dit lui, "en substance, que les Israéliens ne peuvent pas se contenter d’attendre que les Américains proposent des plans de sortie de crise."

Ce qui signifie "qu’il estime que le plan Trump n’est pas réaliste, voire contre-productif", selon le chercheur. (...)

Une pluie de manifestations pour dénoncer les propos et les actions de Trump
(video 1’31)
"50 manifestations dans 50 États." Des milliers de personnes se sont rassemblés mercredi, à travers les États-Unis, pour dénoncer autant les décrets présidentiels (climatoscepticisme, contre l’immigration ou es droits des transgenres) que les propos de Donald Trump.