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Photographie animalière : la triche planquée derrière le cliché parfait
#photographie
Article mis en ligne le 20 novembre 2023
dernière modification le 18 novembre 2023

Animaux mis en scène, carcasses pour les attirer... De nombreux photographes animaliers trichent pour faire la photo parfaite. Dont certains lauréats de grands prix.

Il était une fois l’histoire d’amitié entre un ours et une louve, chassant coude-à-coude au cœur d’une tourbière. Un « Roméo et une Juliette improbables », que le destin aurait décidé d’unir. Oubliez les apparences, ce conte est monté de toutes pièces. Il y a quelques mois, Pierre Girard écrivait à Reporterre sa sidération. Parti étudier les ursidés en Carélie du Nord, contrée reculée de Finlande, ce naturaliste en herbe a entraperçu un pan étonnant des coulisses de la photographie animalière : « De grands noms du métier trichent, et j’en ai la preuve. »

À l’autre bout du fil, agitation et amertume s’entrelacent dans la voix de l’homme. Il décrit un système bien rodé de cabanes (des affûts), louées par de célèbres photographes, en lisière d’une forêt boréale. « Un employé débarque en motoneige, avec deux cadavres de cochons dans la remorque. Il les accroche à un arbre pour empêcher les prédateurs de s’en aller avec. » Du saumon et des croquettes pour chien sont enfouis tout autour, pour inciter les gloutons, les ours et les loups à gratter la terre. Et ce, bien entendu, dans l’axe parfait des objectifs.

Aussi méconnue soit-elle, cette pratique séduit grand nombre de photographes… parmi les plus primés. Du 16 au 19 novembre, la Haute-Marne accueille le festival international de la discipline. (...)

« Faire un cliché correct de cet animal, ça prend au moins dix ans sans artifice, estime Neil Villard, photographe suisse. Ça devrait être la quête d’une vie, pas de trois jours. » En 2010, lui aussi a goûté aux affûts finlandais. « Un mec m’a filé un sac de croquettes et m’a laissé me démerder. » À peine celles-ci répandues, un plantigrade pointait déjà le bout de son museau, attiré par la nourriture. « Et là, ça a été un choc. Je me suis dit : “Merde, t’as vendu ton âme au diable.” (...)