
Fustigée par les associations et les partis politiques de gauche, la loi immigration votée à l’Assemblée nationale le 19 décembre est source d’inquiétude aussi pour les principaux concernés : les exilés. Khaled, Dina, Souad et Omar ont confié leurs craintes à InfoMigrants.
Depuis dix jours, les discussions sont virulentes quant aux dispositions de la très controversée loi immigration votée par l’Assemblée nationale le 19 décembre. Une "victoire historique" pour le gouvernement et les partis de droite, "mesure raciste" pour une partie des politiques français, de gauche notamment, et la plupart des ONG.
Mais le point de vue des principaux concernés, lui, reste peu audible dans le débat public. InfoMigrants a recueilli leurs témoignages.
Khaled*, Égyptien : "Je me sens impuissant et en colère"
Khaled, 32 ans, est installé en France depuis douze ans et travaille dans une entreprise du BTP.
"Je me sens impuissant et en colère. Notre voix, à nous les migrants, est faible : notre avis et nos critiques ne changent rien aux décisions politiques. Nos difficultés de tous les jours ne sont pas prises en compte. Ici, j’ai l’impression de vivre dans un pays arabe, où les politiciens décident ce qu’ils veulent sans se soucier de la population. Celle-là même que je rencontre tous les jours à 6h du matin en allant travailler : des hommes et des femmes issus de l’immigration qui montent dans les transports en commun, à l’aube. Dans ces métiers difficiles du bâtiment et du nettoyage, la plupart travaillent au noir et sont exploités. Avec la loi immigration, tous vont souffrir encore plus".
La loi votée par les députés impose aussi aux étudiants étrangers le versement d’une caution à leur arrivée en France. "Alors qu’en parallèle, les universités font de la publicité pour attirer les étudiants d’ailleurs, s’insurge Khaled. Je ne comprends pas ce que les politiques veulent : plus d’étudiants et de travailleurs pour lutter contre le vieillissement de la société ou empêcher les gens de venir en France ?".
Souad, Tunisienne : "J’ai éprouvé une grande tristesse" (...)
Mon neveu est né en France il y a quatre ans : cette loi met fin au droit du sol automatique, alors que mon neveu ne parle que français et fait sa vie dans ce pays comme n’importe quel autre enfant. Les autorités devraient clairement dire qu’elles ne veulent pas d’étrangers ici au lieu de nous imposer des conditions de vie injustes et impossibles".
Omar, Égyptien : "Est-ce que la loi va rendre nos vies plus difficiles ?" (...)
Souad, 30 ans, est employée dans le secteur des médias. (...)
Moi et mes collègues, on veut juste gagner notre vie. Mais on a perdu l’espoir d’obtenir un jour des droits de la part des autorités.
Je travaille entre 10 et 15 jours par mois et pour une journée de 8h, je gagne entre 50 et 70 euros. Ça, c’est quand tout va bien, car nous, les sans-papiers, nous sommes très vulnérables à l’exploitation (...)
On veut vivre et construire notre vie ici. Mais dès le début, on a compris que les autorités ne voulaient pas qu’on ait une vie normale. Pour moi, la nouvelle loi ne changera rien".
Dina, Palestinienne : "J’ai peur pour mon avenir
Dina, 31 ans, vit en France depuis sept ans. Elle est titulaire d’un Master et travaille comme chercheuse en sciences humaines à Paris.
"Moi et mes amis arabes et français, on se retrouve chaque semaine chez l’un ou l’autre. On cuisine ensemble, on regarde un film et on discute. Une semaine avant l’adoption de la loi, on fêtait son rejet par l’Assemblée nationale. Mais nous avons été naïfs, on a cru un instant qu’il y avait un certain espoir dans la classe politique française. Mais regardez la situation maintenant ! (...)
La loi n’affectera pas ma vie actuelle, mais l’orientation générale prise par la classe politique française est un cauchemar pour moi et tous les immigrés. On se noie lentement dans la rhétorique du racisme, de l’islamophobie et de l’anti-immigration.
Et en même temps, nous, on doit faire de notre mieux pour atteindre nos objectifs personnels, professionnels et académiques. S’intégrer est devenu une obsession quotidienne qui nous effraie et entrave notre vie. (...)