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Histoire coloniale
Palestine. La recherche au défi du discours colonial, par Leïla Seurat
#palestine #israel #colonialisme
Article mis en ligne le 5 février 2025
dernière modification le 2 février 2025

Après Orient XXI, nous publions un texte de Leïla Seurat sur l’histoire des recherches sur la question palestinienne, texte commandé mais non-publié par la Documentation française.

Leïla Seurat est chercheuse au Centre arabe de recherches et d’études politiques (Carep Paris) et chercheuse associée au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (Cesdip). Elle a publié aux éditions du CNRS Le Hamas et le monde (2015) et, avec Jihane Sfeir, Écrits politiques arabes (2022).

Cet article a été initialement rédigé pour le numéro spécial de la revue Questions Internationales consacré aux Palestiniens. Il s’agit d’une publication de la Documentation française, éditeur relevant du Secrétariat général du gouvernement. Après plusieurs échanges avec l’équipe de rédaction pour qui le papier répondait parfaitement aux attentes de la revue, il a finalement été retiré du numéro la veille de l’impression, au motif qu’il n’était pas suffisamment « pédagogique » pour satisfaire les attentes de son lectorat généraliste sur un dossier « complexe ». Avec l’accord de son autrice Leïla Seurat et d’Orient XXI qui l’a publié le 14 janvier 2025, nous le publions à notre tour (...)

L’actuelle annihilation des Gazaouis, la mise au jour des visées expansionnistes d’Israël et la question du génocide ont popularisé auprès du grand public le paradigme de colonialisme de peuplement (settler colonial paradigm). Visant à comparer la Palestine avec les États-Unis, l’Australie ou encore l’Algérie, cette grille de lecture était, depuis près d’une décennie, l’objet de vives tensions au sein d’un champ académique longtemps dominé par les récits hégémoniques sionistes. En effet, le champ du savoir est au cœur de luttes visant d’un côté à nier l’existence du Palestinien, de l’autre à réaffirmer son droit indéfectible sur la terre.

Le domaine de la connaissance est souvent l’objet de vives tensions entre différentes parties en conflit pour l’imposition d’un récit. Ceci est d’autant plus vrai dans le cas palestinien alors que le « conflit » n’est pas terminé et que l’une des parties a longtemps dominé la production des discours « scientifiques », diffusés ensuite dans l’ensemble des champs politiques, culturels et médiatiques.

Mis au service du colonialisme, ce savoir s’est accompagné d’autres pratiques visant à effacer l’histoire palestinienne. Parmi elles, la destruction des archives, la criminalisation des discours ou encore l’accusation de militantisme, énième manière de dénigrer la pertinence scientifique de travaux qui prennent à rebours les récits sionistes. C’est le cas de la notion de colonialisme de peuplement, mobilisée dans le champ académique depuis une décennie. Elle relèverait pour certains analystes d’une simple posture militante influencée par une littérature anglo-saxonne qui aurait contaminé les universités occidentales.

Or, ce paradigme n’est pas le simple effet d’une mode académique. Il s’inscrit dans l’histoire longue des études palestiniennes.

(...)

Les études palestiniennes représentent aujourd’hui un champ d’études qui est parvenu à gagner ses lettres de noblesse, avec la création de départements dédiés au sein des plus prestigieuses universités américaines et européennes. Cette légitimité n’est d’ailleurs pas sans effet sur l’accélération de la censure, et la nouvelle ère de sanction visant les universitaires qui prévaut depuis le 7 octobre 2023.