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Palestine et féminisme de libération : entretien avec Nada Elia
#israel #palestine #patriarcat #feminisme
Article mis en ligne le 19 juin 2024
dernière modification le 18 juin 2024

Les femmes palestiniennes du Néguev ont les taux les plus élevés de mortinaissances, de décès pendant l’accouchement, tout cela étant directement lié aux restrictions israéliennes sur les mouvements de la population palestinienne et au refus israélien de l’accès aux soins de santé pour les femmes palestiniennes, souligne Nada Elia.Les femmes palestiniennes du Néguev ont les taux les plus élevés de mortinaissances, de décès pendant l’accouchement, tout cela étant directement lié aux restrictions israéliennes sur les mouvements de la population palestinienne et au refus israélien de l’accès aux soins de santé pour les femmes palestiniennes, souligne Nada Elia.

Cet entretien est tiré du livre Palestine Un féminisme de libération (1). L’autrice, Nada Elia a été interviewée le 30 mars dernier par Liza Hammar (2) et Francis Dupuis-Déri (3).

Nada Elia est professeure d’études culturelles et arabo-américaines au Collège Fairheaven de l’université Western de Washington et milite pour la libération de la Palestine. Dans cet entretien Nada Elia explique comment le sioniste israélien considère les Palestiniens comme une menace démographique et exerce un contrôle de la population qui repose spécifiquement sur la violence contre les femmes. (...)

Le Palestinian Feminist Collective est un réseau des États-Unis et du Canada, qui a émergé du Palestinian Youth Movement, en 2021, en réponse directe à ce qu’on appelle en Palestine “les crimes d’honneur” soit des féminicides par exemple une fille tuée par son père parce qu’elle fréquentait un homme sans être mariée. Nous observions la montée en Palestine d’un patriarcat de plus en plus puissant, d’une régression plutôt que d’une progression, conséquence en grande partie de la guerre qui a érodé les forces progressistes. Nous avons été inspirées par l’organisation Tal’ at, qui signifie ”sortir de”, qui est composée de femmes palestiniennes militant contre le sexisme, et dont le slogan est No Free Home landWithout Free Women (Pas de patrie libre sans femmes libres). Tal’at avance que le problème des femmes en Palestine n’est pas seulement le patriarcat arabe, mais aussi l’occupation israélienne et le sionisme. Notre collectif a adopté la même approche, et j’ajoute qu’il faut aussi penser à la libération des personnes queers. Les groupes les plus marginalisés d’un peuple doivent être libres pour que celui-ci le soit aussi. Notre objectif est donc à la fois la libération nationale et la transformation sociale et politique. Sinon, à quoi sert tout cela ? Nous avons vu tant de pays où les femmes sont encore désavantagées, voire plus désavantagées après la libération nationale. J’ai moi-même beaucoup étudié la situation en Afrique du Sud postapartheid, puisqu’on y fait souvent référence comme un exemple pour la Palestine, mais c’est malheureusement autant une inspiration qu’un exemple à ne pas imiter. (...)

Au début de la session, je demande à la classe de présenter une définition du féminisme, et je suis chaque fois surprise de constater qu’on me répond par des propositions défensives : le féminisme n’est pas la haine des hommes, le féminisme n’est pas radical, le féminisme n’est ni ceci ni cela… Je demande alors à mes étudiants.es : Mais pourquoi essayez-vous de défendre le féminisme ? Le féminisme est positif et il n’y a donc pas besoin de s’en défendre. Le Palestinian Feminist Collective conçoit le féminisme comme une force positive, une force de don et de justice sociale. Cette conception est préférable à la haine des hommes et au désir d’une plus grande part du gâteau. Le féminisme impérialiste et colonial que je nomme en anglais – le faux féminisme cherche à obtenir une plus grande part du gâteau, sans considérer à quel point celui-ci est infect et moisi. Prenons l’exemple d’Hillary Clinton, qui voulait être présidente du plus grand empire contemporain, un empire hyper militarisé. Ce n’est pas ma compréhension du féminisme, ce n’est que du faux féminisme. Le vrai féminisme veut changer la recette du gâteau pour qu’il soit totalement différent, ce qui signifie une transformation sociale et politique en profondeur. (...)

Le sionisme est un système d’oppression, le féminisme est une force de libération ; il est donc impossible de concilier les deux. Sherly Sansberg, une femme juive qui a occupé des postes de haute direction dans les entreprises de médias sociaux, a récemment demandé pourquoi il n’y avait pas plus de femmes et de féministes prenant le parti des femmes israéliennes pour dénoncer les violences sexuelles supposément perpétés par les troupes du Hamas. Une fois de plus, il n’y a là rien de neutre dans le fait d’être outrée par les violences du Hamas sans rien dire des malheurs et de la misère de centaines de milliers de femmes palestiniennes qui subissent les violences israéliennes depuis des générations, et qui en meurent par dizaines de milliers. Heureusement, il y a en effet de très nombreuses féministes juives qui sont nos alliés, comme Sherry Wolf, Alice Rothchild, Emmaia Gelman, et notre collectif compte même quelques membres qui sont arabes et juives. Nous connaissons aussi le groupe Jewish Voice for Peace et l’International Jewish Anti-Zionist Network et nous participons à des panels ensemble sans coordonner de projets ou d’événements conjoints. (...)

Pour ma part, je ne crois pas que les armes sont la solution, que la libération sera gagnée par les armes. Je reviens à l’idée selon laquelle le féminisme est une force de transformation, une idéologie d’amour et de bienveillance (care). Il faut penser à la guérison, à la créativité, à la force de la vie. Je crois au droit de résister, y compris par les armes, mais ce n’est pas parce que j’ai un droit que je l’exerce. Autrement dit, j’ai le droit de faire plein de choses que je ne fais pas. Mais c’est un droit, et je refuse qu’on m’en prive. Personne ne va libérer la Palestine à coup d’attentats-suicides à la bombe. Nous allons nous libérer en créant des conditions de vie différentes. Mon prochain projet de livre consiste à documenter et à présenter l’histoire des actions des femmes dans la résistance palestinienne, y compris celles que je nomme proto féministes, qui ont lutté avant que les féminisme soit un mouvement organisé. J’aborde le féministe palestinien dans la perspective que vous venez d’évoquer, c’est-à-dire à partir d’actes dits féminins, mais qui participent à la libération (...)