
L’ONU a décidé de faire de 2025 « l’année de protection internationale des glaciers ». En France, « il y a une ambition nationale pour les protéger mais sans aucun moyen », résume le glaciologue Jean-Baptiste Bosson.
Jean-Baptiste Bosson est glaciologue, chercheur au Conservatoire d’espaces naturels de Haute-Savoie. Il est également directeur de l’association Marge sauvage, créée en mai 2024 pour protéger les glaciers. Alors que s’ouvre aujourd’hui la première année internationale de la préservation des glaciers, il nous explique pourquoi il est crucial de tout faire pour préserver ces géants de glace. (...)
Nous sommes dans une période charnière. Soit l’humanité réagit en mettant un coup de frein aux émissions globales, ce qui permettra de préserver une immense partie de la glace sur Terre. Soit on passe un seuil irréversible, et nous basculerons dans une Terre plus chaude. Car la glace recouvre de blanc une partie de la planète : si on perd ce blanc, la Terre sera plus foncée et se réchauffera encore plus vite (...)
Comment définir un glacier disparu ?
Pour avoir un glacier en bonne santé, il faut qu’il soit en mouvement et qu’il ait une superficie minimum de glace : 0,1 km2. Il est difficile pour les satellites de voir à une échelle plus petite. Mais ce n’est pas toujours facile de décréter la mort d’un glacier. Lorsqu’ils n’ont plus de neige pour les alimenter, ils se disloquent : on passe d’une grande masse épaisse à plein de petits systèmes isolés.
Par exemple, d’ici cinquante ans, la mer de glace à Chamonix va se disloquer en une vingtaine de glaciers dans de petits cirques déconnectés les uns des autres. Leur nombre va certes augmenter mais la surface générale va diminuer. (...)
Quelle est la situation des glaciers en France dans les Alpes et les Pyrénées ?
Dans les Pyrénées, c’est malheureusement la fin de l’histoire. Si on colle tous les glaciers qui restent ensemble, leur superficie mesure moins d’1 km2. Ils ne sont plus que dix-sept et dans la prochaine décennie, ils vont tous disparaître.
Dans les Alpes, il y a encore environ 700 glaciers. Depuis 1850, ils ont perdu près des deux tiers de leur surface initiale, environ 700 km2. C’est l’un des plus grands changements d’écosystème en France depuis 200 ans. Les Alpes sont également la région du monde où les glaciers fondent le plus vite car l’intensité du réchauffement climatique est plus forte qu’ailleurs.
Les projections montrent que si on applique l’Accord de Paris, on pourra sauver environ un tiers du volume glacier alpin restant. Mais dans un scénario de fortes émissions carbone, nous en perdrons 95 % d’ici la fin du siècle. (...)
Pourquoi est-il primordial de protéger les glaciers ?
Ce sont les châteaux d’eau de nos territoires et des écosystèmes clés pour préserver le climat. Ils stockent l’eau en hiver pour empêcher les crues. En été, ils fondent et irriguent les bassins versants. Ils permettent d’avoir de l’eau toute l’année pour l’irrigation ou le refroidissement des centrales nucléaires, notamment. (...)
Au total, on recense 300 000 glaciers sur Terre, en incluant les deux calottes glaciaires. Si tous fondaient, le niveau des mers augmenterait de 66 mètres. C’est un processus qui va prendre plusieurs siècles. Imaginez l’impact sur les littoraux et sur les migrations climatiques, ça va être colossal. (...)
Il y a une ambition nationale mais sans aucun moyen. Nous attendons que l’État s’engage réellement à l’occasion de cette année internationale de préservation des glaciers.