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"On ne veut pas de problèmes" : pourquoi des pharmaciens refusent-ils de délivrer leur traitement aux toxicomanes ?
#santé #toxicomanie #discriminations
Article mis en ligne le 17 octobre 2023

Selon un testing réalisé par l’association Asud, 70% des pharmacies parisiennes ne veulent pas délivrer aux clients des produits comme le Subutex ou la méthadone, substituts pourtant nécessaires aux toxicomanes pour soigner leur addiction. Une pratique généralisée… et complètement illégale.

Sept pharmacies parisiennes sur dix refusent de délivrer leurs traitements aux toxicomanes en demande de Subutex ou de méthadone, substituts de l’héroïne. C’est le constat fait sur le terrain par l’association Asud (Auto-support des usagers de drogues), à l’issue d’un testing effectué cet été et révélé, début novembre, par Le Parisien. Une pratique "honteuse", dénonce Fabrice Olivet, président de l’association, qui appelle à une "prise de conscience" des pharmaciens face à ce procédé.

Dans la capitale, se procurer ces produits est devenu un parcours du combattant, selon Asud. L’étude montre ainsi que 71% des 115 pharmacies testées entre le 20 juillet et le 25 août ne délivrent pas ces médicaments. Un chiffre loin d’être surprenant pour Fabrice Olivet, directeur de l’association Asud. "Cela fait dix ans que nous tirons la sonnette d’alarme. C’est un problème qui est connu et qui dure." En 2012, l’Asud avait mené une enquête dans les pharmacies de quatre arrondissements parisiens. "A l’époque, trois pharmacies sur quatre refusaient déjà de servir les usagers de drogue", déplore Fabrice Olivet.

Mais comment se justifient les pharmaciens qui refusent de fournir les traitements nécessaires aux personnes souhaitant traiter leur addiction aux opiacés ? Franceinfo les a interrogés.
"J’ai mes clients attitrés, les autres, je ne les sers pas"

"Ils sont un peu spéciaux ces gens-là : ils volent, ils sont insolents, ils ramènent des problèmes." Dans cette officine du 10e arrondissement de Paris, la pharmacienne a un avis très arrêté sur les consommateurs de drogue, qui viennent régulièrement lui demander leur traitement de méthadone ou de Subutex. Substituts de l’héroïne, ces médicaments aident notamment les toxicomanes à rompre leur dépendance. "J’ai mes clients attitrés, les autres, je ne les sers pas", déclare cette professionnelle, qui ne souhaite pas poursuivre la conversation.

Ces traitements, autorisés en France depuis le milieu des années 1990, sont pourtant indispensables aux usagers de drogues ou ex-toxicomanes. (...)

Un refus "totalement illégal" (...)

« C’est tout simplement de la discrimination envers les usagers de drogue. Et surtout, c’est interdit par la loi ».
Pierre Chappard, président de l’association Psychoactif, à franceinfo (...)

Des sanctions administratives

Pour Fabrice Olivet, ces refus systématiques engendrent même "une sorte de cercle vicieux", dont les effets néfastes peuvent être "dévastateurs pour les patients". Le président d’Asud pointe ainsi un risque important de rechute. "L’usager va aller se fournir dans la rue, parce que ça devient plus simple. Soit il se fournira du Subutex ou de la méthadone au marché noir, soit il retournera complètement vers la drogue pure", déplore-t-il. (...)

De leur côté, les pharmacies qui acceptent de délivrer ces substituts se plaignent du manque de rigueur de leurs collègues. "On se retrouve avec des pharmacies ’attitrées’ pour les usagers de drogues, qui doivent gérer une multitude de clients en demande", analyse Fabrice Olivet. "C’est inacceptable", commente pour sa part Carine Wolf-Thal. "Chaque pharmacien devrait assumer son rôle d’acteur de santé publique."

Pour tenter de dissuader les pharmaciens de toutes formes de refus, la présidente du Conseil de l’Ordre rappelle que des sanctions existent en cas de manquement à la déontologie. "Ces pharmaciens peuvent être identifiés et risquent des condamnations en chambre de discipline. Ça va de l’avertissement au blâme, jusqu’à l’interdiction d’exercer", rappelle-t-elle.

Dans les faits, Carine Wolf-Thal assure que des professionnels passent "régulièrement" en chambre de discipline "pour des faits similaires", comme le refus de délivrer la pilule contraceptive ou la pilule du lendemain. (...)