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Mediapart
« On n’envoie pas des missiles balistiques sans assumer le risque d’une escalade »
#israel #palestine #Hamas #Cisjordanie #Gaza #Iran
Article mis en ligne le 18 avril 2024
dernière modification le 17 avril 2024

Israël a frappé le Liban, mardi 16 avril, et tué un haut commandant du Hezbollah. Quelles peuvent être les répliques de l’attaque iranienne du week-end dernier ? Entretien avec Amélie Férey, chercheuse à l’Ifri.

(...) Amélie Férey est chercheuse à l’Ifri (l’Institut français des relations internationales) au Centre des études de sécurité et responsable du laboratoire de recherche sur la défense. (...) (...)

Amélie Férey : Israël se trouve dans une situation complexe. La guerre à Gaza suscite des critiques de plus en plus fortes au niveau international, il y a des dissensions politiques internes au sein du cabinet de guerre nourries par les partisans d’une ligne dure et une situation sur le flanc nord qui demeure très tendue : des populations sont déplacées, beaucoup craignent un deuxième 7 octobre et veulent donc « traiter » le problème du Hezbollah qui continue d’envoyer régulièrement des roquettes en Israël.

Le fait d’avoir visé le consulat iranien à Damas s’inscrit dans une continuité de bombardements et d’attaques ciblées visant à éliminer des hauts responsables iraniens ou appartenant au Hezbollah, au Hamas ou à d’autres groupes armés dans la région. (...)

Ce qui est plus inédit, c’est la réponse iranienne, qui éclaire, selon moi, la position et le rôle de ce pays dans la crise proche-orientale actuelle. Pour contrer l’attaque de drones et de missiles, Israël a dû puiser dans un stock de munitions déjà bien entamé par la guerre à Gaza – même si ce ne sont pas exactement les mêmes types de munitions qui sont utilisés sur les différents terrains.

Cela complique une opération contre le Hezbollah, et c’était peut-être un des buts recherchés par le régime iranien. Même si les États-Unis ont déjà recomplété les stocks israéliens, il faut toujours penser une opération militaire comme une tentative de modifier le rapport des forces politiques, en l’occurrence en profitant, côté iranien, d’une situation fragilisant Israël. (...) (...) (...)

Tout le débat dans la communauté stratégique est aujourd’hui de savoir si l’Iran n’avait pas les moyens véritables d’atteindre Israël ou s’il a fait volontairement peu de dégâts en Israël pour demeurer sous le seuil du conflit ouvert, comme il l’avait déjà fait en répliquant à l’assassinat, par un drone américain sur renseignements israéliens, du général Qassem Soleimani, commandant de la force Al-Qods, en 2020. (...)

on n’envoie pas des missiles de moyenne portée sans assumer de fait le risque d’une escalade militaire, ce qui fait que, de mon point de vue, nous sommes déjà dans une escalade. Il me paraît important de ne pas minorer ce qui s’est produit, en dépit d’un narratif israélien sur le mode « même pas mal ». (...)

Il est important de ne pas sous-estimer les capacités militaires iraniennes, comme on a eu tendance à le faire avec les Russes en Ukraine. (...)

Des dizaines de hauts responsables iraniens et de scientifiques en charge du programme nucléaire ont été éliminés ces dernières années. (...)

Pour moi, la riposte iranienne est avant tout liée à une appréciation de la situation, où le régime a pu juger qu’Israël était en situation de faiblesse, et qu’il fallait protéger le Hezbollah alors que montait dans les cercles militaires israéliens une petite musique jugeant qu’il fallait en finir avec la menace du Hezbollah. (...)

Il est certain qu’il va y avoir une riposte israélienne. Celle-ci n’aura toutefois pas le même sens s’il s’agit d’un raid aérien sur le territoire iranien, qui pourrait équivaloir à une déclaration de guerre, ou bien d’une cyberattaque ou d’une opération hybride qui pourrait laisser des marges afin de demeurer sous le seuil d’un conflit ouvert. (...)

il existe un alignement d’intérêts entre Israël et les puissances occidentales qui considèrent l’Iran comme une menace pour la région et même au-delà, puisque c’est ce pays qui fournit une bonne partie des drones à la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine.

L’enseignement principal à tirer de ce qui se passe, c’est l’accentuation d’un conflit entre un axe Chine-Russie-Iran et un Occident militairement contesté et affaibli. (...)