
Mamadou Garanké Diallo, un Guinéen de 21 ans, a été retrouvé mort mi-septembre dans le nord de la France alors qu’il espérait atteindre le Royaume-Uni. Après avoir reçu une Obligation de quitter le territoire français (OQTF), le jeune homme a fui la région de Rouen, en Normandie, malgré une parfaite intégration. Ses soutiens dénoncent "une dérive répressive" mise en place contre les étrangers qui "mène à la mort".
"Le profil de Mamadou est celui de plein de jeunes exilés en France". Alain Havel, membre du comité de soutien de Mamadou Garanké Diallo joint par InfoMigrants, veut faire de ce Guinéen un exemple afin "qu’il ne soit pas décédé pour rien".
Le jeune homme de 21 ans a été retrouvé mort, probablement percuté par un camion, le 17 septembre dernier vers 3h du matin près d’une sortie d’autoroute à Loon-Plage (Nord), à proximité d’un camp de migrants et de la ville de Dunkerque. Découvert sans ses papiers, son identité a été révélée début octobre.
Mamadou Garanké Diallo est arrivé en France en 2019 alors qu’il n’avait que 15 ans. Pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (ASE), le Guinéen suit un CAP dans les métiers de bouche et est embauché en 2020 comme apprenti dans une boucherie de Darnetal, près de Rouen (Normandie).
"Un exemple d’intégration"
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en mai dernier, tout s’effondre : Mamadou Garanké Diallo est contrôlé dans les rues de Rouen, et n’avait pas sur lui son récépissé de demande de titre de séjour. Quelques jours après son interpellation, le Guinéen reçoit une deuxième OQTF "sur les mêmes bases [que la première] et parce qu’il ne disposait ni d’un visa long séjour ’salarié’, ni d’une autorisation de travail", a indiqué à l’AFP la préfecture de Seine-Maritime.
Ce même mois, le jeune homme avait été interpellé et placé en garde à vue "pour des faits de détention de stupéfiants qu’il a reconnus", a précisé la préfecture, indiquant qu’il était "convoqué par la justice en novembre pour répondre de ces délits".
Après cette interpellation, Mamadou Garanké Diallo craint d’être renvoyé dans son pays, qu’il n’a pas revu depuis six ans et qu’il a quitté très jeune. "Il s’est senti acculé, c’était une catastrophe pour lui", signale Alain Havel.
"Je sais ce qu’est la souffrance de rester chez nous. Ma famille n’a rien au bled", témoignait alors le jeune Guinéen lors d’une interview à BFMTV Normandie.
"La politique de Retailleau mène à la mort"
Un jour de juin, sans prévenir personne, le jeune homme rejoint le nord de la France dans le but d’atteindre le Royaume-Uni. "Il est allé chercher une reconnaissance qu’il n’avait pas eu ici et qu’il espérait obtenir là-bas", estime Alain Havel. Lors d’un coup de téléphone cet été avec le boucher Franck Bécu, Mamadou Garnaké Diallo lui fait croire qu’il est déjà arrivé en Angleterre. "Il a voulu nous préserver, ne pas nous inquiéter mais on a découvert qu’il était dans la précarité, dans la peur et dans cet espoir constant d’avoir un avenir meilleur", raconte à France 3 Normandie Lara Lavesque, qui l’hébergeait chez elle.
Depuis l’annonce de sa mort, la colère grandit dans la région. "On en veut à Bruno Retailleau [le ministre démissionnaire de l’Intérieur, ndlr], au préfet, au système… On voit bien qu’une dérive répressive se met en place contre ces jeunes exilés", estime Alain Hauvel. "Et tout le monde en fait les frais. Ils [les services de l’État] vont même jusqu’à s’acharner sur des jeunes intégrés, qui travaillent, qui paient leurs impôts, qui font tourner l’économie. C’est scandaleux".
Le maire de Rouen, membre du Parti socialiste (PS), aussi trouve ce drame "scandaleux". "C’est une honte !", déplore Nicolas Mayer-Rossignol. "La politique de Retailleau crée des situations absurdes et inhumaines qui mènent à la mort. Et des histoires comme celle-là, il y en a des milliers".
L’histoire de Mamadou Garnaké Diallo rappelle notamment celle de Laye Fodé Traoréiné. Fin 2020, ce jeune Guinéen avait aussi reçu à ses 18 ans une OQTF, malgré son emploi dans une boulangerie. Son patron, Stéphane Ravacley, avait largement médiatisé l’affaire en observant une grève de la faim.
La mobilisation en faveur de Laye Fodé Traoréiné avait été d’une grande ampleur. Des personnalités du monde politique, syndical, artistique ou littéraire, notamment, avaient appelé le président français Emmanuel Macron à "aider le boulanger de Besançon en grève de la faim", dans une tribune publiée dans L’Obs.
Après ce soulèvement, la préfecture avait finalement annulé l’OQTF et avait régularisé l’apprenti boulanger. Et Stéphane Ravacley, porté par cette "victoire", avait créé dans la foulée l’association Patrons solidaires, une plateforme qui réunit les employeurs dans la même situation que lui.