
Alors qu’une nouvelle phase de la négociation sur l’instauration d’un cessez-le-feu à Gaza devait s’ouvrir ce dimanche au Caire, Israël a ajourné le départ de sa délégation pour l’Égypte, en invoquant un manquement du Hamas aux arrangements conclus.
Les négociations entamées ces derniers mois entre Israël et le Hamas, par l’intermédiaire du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis sont restées, à ce jour, sans résultat concret. Selon Benyamin Nétanyahou et ses communicants, les conditions avancées par le Hamas étaient « inacceptables ». Même si récemment, à Paris puis à Doha, des « progrès significatifs » ont été constatés par les intermédiaires et parfois admis par les deux parties.
(...) Mais il y a aussi d’autres explications. Manifestement plus décisives, liées aux postures politiques ou aux projets, problèmes et calculs personnels du premier ministre israélien. Au caractère composite et extrémiste, c’est-à-dire à la volatilité, de sa coalition parlementaire également. Et, enfin, à son inaptitude à envisager et préparer un après-guerre acceptable et crédible.
Tout cela est moins aisé à invoquer par l’intéressé et ses porte-paroles. Nétanyahou sait, mieux que personne, que ce qui se joue désormais, au-delà du sort des otages et même du dénouement de la guerre, de la transition vers l’après-guerre et de la recherche d’un nouvel équilibre régional, c’est son avenir, politique et personnel.
Le problème est que d’un politicien aussi égotique, cynique et manipulateur, on ne peut espérer un comportement d’homme d’État décent au moment de quitter la scène du pouvoir. (...)
Nétanyahou qui entend poursuivre les opérations militaires, ainsi qu’il le répète depuis le premier jour de la guerre, « jusqu’à la victoire finale ».
Pourtant, le premier ministre israélien, au désarroi de certains de ses généraux, ne semble toujours pas avoir une idée très claire de ce qu’il entend par là. L’éradication de l’aile militaire du Hamas ? La destruction de l’infrastructure politico-administrative islamiste ? Ou l’expulsion de la population palestinienne, suivie du retour de l’occupation militaire israélienne et de la colonisation, comme le rêvent tout haut certains des partenaires de sa coalition gouvernementale ? (...)
en dépit des demandes de plusieurs capitales amies, Nétanyahou continuait à affirmer ce qu’il ne cesse de répéter : aucune négociation, aucune pression étrangère ne l’empêcherait de lancer, comme prévu, l’offensive terrestre contre Rafah que l’armée, à sa demande, est en train de préparer. (...)
Opposé depuis toujours à la création d’un État palestinien, radicalement hostile au processus de paix et partisan résolu du développement de la colonisation et de l’annexion pure et simple des territoires palestiniens, Nétanyahou se comporte aujourd’hui comme si les « Accords Abraham » conclus en septembre 2020 grâce à l’aide de Trump avec les Émirats, Bahrein, puis le Soudan et le Maroc, lui avaient permis d’amorcer la normalisation entre Israël et le monde arabe sans avoir à faire la moindre concession aux Palestiniens. (...)
Le plan pour l’après-guerre, que le premier ministre d’Israël a dévoilé il y a deux semaines après avoir obtenu l’accord du cabinet de guerre, confirme qu’il demeure agrippé à ses certitudes, au point de ne tenir aucun compte des suggestions de Washington, des propositions de ses partenaires arabes et des recommandations de la communauté internationale. Tout en démontrant son allégeance à ses alliés extrémistes du sionisme messianique nationaliste. (...)
Selon ce document, Israël entend conserver sa liberté d’action militaire dans la bande de Gaza démilitarisée, déradicalisée, amputée d’une « zone tampon » de sécurité, et administrée par des « professionnels expérimentés ». L’UNRWA serait supprimée.
Israël, qui entend aussi conserver le « contrôle de la sécurité » en Cisjordanie où doivent être construits 3 000 logements nouveaux, dans des colonies voisines de Jérusalem, rejette tout « diktat international » sur un accord avec les Palestiniens (...)
En complète contradiction avec les termes de référence admis depuis les accords d’Oslo, cette posture du premier ministre israélien interdit de fait une issue négociée reposant sur la création d’un État de Palestine. Faut-il s’en étonner ? Non. Puisque sa stratégie consiste, envers et contre tous, à retarder la fin de la guerre. C’est-à-dire le moment où il devra accepter de rendre des comptes. (...)
Samedi, des milliers de manifestants se sont une nouvelle fois réunis devant sa résidence à Jérusalem pour demander la libération des otages. Mission à laquelle il n’a jamais réellement accordé la priorité, contrairement à ce que souhaitaient ses concitoyens, parfois même ses électeurs.
Au même moment, des dizaines de milliers d’autres Israéliens en colère se rassemblaient dans les principales villes du pays pour exiger la démission du gouvernement et des législatives anticipées. Son ministre de la défense menace de faire exploser la coalition pour protester contre un premier ministre qui privilégie ses intérêts politiques personnels sur ceux du pays. Même un accord avec le Hamas sur un échange otages israéliens contre prisonniers palestiniens ne permettra pas de sauver son destin politique.