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Néandertal : un corps retrouvé en France révèle qu’il n’y avait pas une, mais au moins deux lignées au moment de leur extinction
#Neandertal #HomoSapiens
Article mis en ligne le 11 janvier 2025
dernière modification le 8 janvier 2025

Le scénario semblait simple et bien établi. Les derniers néandertaliens tiraient leur révérence suite à l’arrivée de Sapiens sur les territoires européens il y a 40 à 45 000 ans. Ces ultimes néandertaliens étaient représentés par une unique population très homogène que la génétique avait reconnue à travers l’Europe, en Espagne, en France, en Croatie, en Belgique ou en Allemagne. Les études génétiques étaient sans appel ; une unique population, très homogène dans sa biologie allait laisser place aux nouveaux arrivants Sapiens. En une poignée de millénaires, quelque part entre 45 et 42 000, la cohabitation des deux humanités allait aboutir au remplacement de cette population néandertalienne européenne.

Ce mercredi 11 septembre, notre équipe de la Grotte Mandrin annonce dans la revue Cell Genomics une découverte redessinant en profondeur nos connaissances sur les derniers néandertaliens. Il s’agit cette fois de la découverte d’un corps néandertalien. Le premier en France depuis 1978. C’est dans cette même grotte qu’en 2022 avait été mis en évidence la plus ancienne migration Sapiens en Europe. Et entre 2022 et 2023 trois publications scientifiques internationales de notre équipe de recherche allaient interroger nos conceptions sur ce moment singulier de l’histoire de l’humanité, redéfinissant non seulement le moment de l’arrivée de ces populations Sapiens, mais redessinant leurs connaissances techniques, établissant leurs origines depuis le Levant méditerranéen et proposant une redéfinition profonde de ce moment singulier de l’histoire européenne.

Et si l’histoire des populations Sapiens en Europe devait être totalement repensée ? (...)

Une lignée néandertalienne totalement inconnue

Notre étude ne se limite pas à la simple annonce de la découverte remarquable d’un corps néandertalien mais présente le résultat de près de 10 années de recherches autour de ce corps révélant l’existence d’une lignée néandertalienne totalement inconnue au sein des dernières populations néandertaliennes d’Europe, changeant profondément notre compréhension de cette humanité au moment de leur extinction.

Les premières dents furent en effet découvertes en 2015. (...)

Je pris alors à l’époque la décision de dégager le corps… à la pince à épiler. Grain de sable après grain de sable… L’opération durera 9 ans. Et n’est toujours pas terminée… L’immense effort de terrain permettra de récupérer les plus infimes vestiges dans leur position originale. La multiplication de relevés en trois dimensions permettra alors à l’équipe de reconstruire progressivement la position très précise de chacun des vestiges dans le sol.

Ce sont aujourd’hui 31 dents qui ont été retrouvées, les ossements de la mandibule, des fragments de crâne, des phalanges et des milliers de tout petits ossements appartenant à notre néandertalien surnommé Thorin, en hommage aux écrits et à la pensée de J.R.R. Tolkien (...)

Je pris alors à l’époque la décision de dégager le corps… à la pince à épiler. Grain de sable après grain de sable… L’opération durera 9 ans. Et n’est toujours pas terminée… L’immense effort de terrain permettra de récupérer les plus infimes vestiges dans leur position originale. La multiplication de relevés en trois dimensions permettra alors à l’équipe de reconstruire progressivement la position très précise de chacun des vestiges dans le sol.

Ce sont aujourd’hui 31 dents qui ont été retrouvées, les ossements de la mandibule, des fragments de crâne, des phalanges et des milliers de tout petits ossements appartenant à notre néandertalien surnommé Thorin, en hommage aux écrits et à la pensée de J.R.R. Tolkien (...)

la population de Thorin appartient à une lignée néandertalienne jusqu’alors inconnue parmi les néandertaliens censés peuplés l’Europe dans leurs derniers millénaires d’existence.

Alors que ces populations néandertaliennes montrent en Europe une grande homogénéité génétique, la population de Thorin se distingue des néandertaliens classiques durant plus de 50 millénaires. Aucun échange génétique direct entre la population de Thorin et les néandertaliens classiques européens depuis le 105e millénaire et jusqu’à l’extinction de ces populations ! Une divergence profonde. Inattendue. L’étude génétique permet ainsi de repositionner précisément dans le temps cette histoire singulière montrant cet incroyable isolement de ces populations et le lointain moment de leur divergence. (...)

Et voilà, en plus, que l’équation Sapiens/Néandertal en Europe est à repenser en profondeur. Dans cet étonnant moment où une humanité remplace l’autre, il n’y a plus deux protagonistes mais au moins trois. Et peut-être plus, les analyses génétiques de Thorin dévoilant l’existence d’une lignée fantôme, une autre population néandertalienne, encore inconnue, et qui semble bien se promener à la même époque sur les territoires européens.

Mais comment peut-on imaginer des processus d’isolement entre populations humaines, durant 50 millénaires, alors même que ces populations sont localisées à moins de deux semaines de marche les unes des autres ? C’est pourtant ce à quoi nous confronte Thorin. (...)

Quelque chose semble bien distinguer profondément les manières d’être au monde des néandertaliens et des Sapiens. Quelque chose de bien plus profond que de simples questions culturelles ou territoriales, nous renvoyant frontalement à l’énigme Néandertal et, probablement aussi, notre incapacité à nous confronter à des manières d’être humain qui nous sont si éloignées.

Parallèlement notre étude révèle que Thorin présente des liens avec un autre néandertalien localisé à 1700km de là sur le rocher de Gibraltar. (...)

Et voilà que tout est à réécrire. Repenser les premiers Sapiens, leurs relations non pas à Néandertal mais à des populations biologiquement très différenciées et qui, bien qu’apparaissant culturellement particulièrement diverses, pourraient s’éteindre sans ne rien changer de leurs manières millénaires de concevoir le monde.

La créature s’éteindrait en restant ce qu’elle fut de tout temps. Comme une expérience humaine sans lendemain. Mais alors comment meurent les hommes ? La recherche continue, et l’histoire semble de plus en plus fascinante…