
A l’issue de deux ans d’enquête, des poursuites pénales sont engagées contre dix-sept gardes-côtes grecs pour leur responsabilité dans le naufrage d’un chalutier en juin 2023 qui a entraîné la mort d’au moins 600 migrants.
Dix-sept membres des garde-côtes grecs sont poursuivis après le naufrage de migrants le plus meurtrier du pays, ont déclaré vendredi 23 mai des représentants des rescapés qui les accusent d’avoir tardé à réagir malgré les alertes transmises.
En juin 2023, l’Adriana, un chalutier rouillé et surchargé parti de Tobrouk, en Libye, a coulé au sud-ouest de Pylos, dans le Péloponnèse. Plus de 750 personnes se trouvaient à son bord, dont plus de 600 auraient péri, selon l’ONU. Seuls 82 corps ont été repêchés. (...)
"Près de deux ans après le naufrage de Pylos, les poursuites pénales [...] contre 17 membres des garde-côtes grecs, y compris des officiers de haut rang, marquent une avancée majeure [...] pour les victimes", ont déclaré six ONG dans un communiqué. (...)
Selon les avocats des naufragés, les poursuites visent non seulement le capitaine et l’équipage du patrouilleur envoyés sur les lieux, mais aussi l’ancien chef des garde-côtes, le superviseur du centre national grec de coordination des secours en mer, ainsi que deux officiers de sécurité maritime de permanence ce jour-là.
"Une série d’omissions graves et persistantes"
Cette décision fait suite à la remise d’un rapport accablant au mois de février 2025 par le médiateur de la République hellénique. Andreas Pottakis avait recommandé dans un communiqué de presse des sanctions contre des garde-côtes impliqués dans le naufrage. Dans son enquête, le médiateur avait pointé "une série d’omissions graves et persistantes dans les tâches de recherche et de sauvetage de la part d’officiers supérieurs du corps des garde-côtes" grecs. Selon lui, les autorités "n’ont pas pris, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures qui pouvaient raisonnablement être considérées comme propres à prévenir le danger".
Les conclusions d’Andreas Pottakis avaient été transmises au ministre grec de la Marine marchande pour d’éventuelles poursuites. C’est désormais chose faite.(...)
Pour rappel, 104 personnes ont survécu à ce naufrage dont des dizaines ont déposé, en septembre 2023, une plainte collective au pénal contre les garde-côtes grecs. Ils les accusent notamment d’avoir mis des heures à réagir malgré des alertes transmises par l’agence européenne Frontex et la plateforme téléphonique Alarm Phone. Outre des Syriens et des Palestiniens, près de 350 ressortissants pakistanais se trouvaient à bord du navire, selon les autorités pakistanaises.
Athènes nie toute responsabilité (...)
Par ailleurs, des rescapés avaient affirmé, quelques heures après le naufrage, que la marine avait fait chavirer le bateau en tentant de le remorquer en dehors des eaux grecques.
Les avocats des migrants soulignent aussi que les autorités ont choisi d’envoyer un patrouilleur depuis la Crète, alors qu’un remorqueur de sauvetage plus adapté se trouvait stationné plus près, dans le port de Gythio, dans le Péloponnèse. La vidéo et la boîte noire du patrouilleur ont été endommagées lors de l’opération, selon eux, et n’ont été réparées que deux mois après le drame.
Dans cette affaire, neuf migrants égyptiens avaient été désignés par l’État grec comme des passeurs responsables de ce naufrage meurtrier. Mais après 11 mois passés en détention provisoire, ces neuf exilés ont été acquittés par la justice, en mai 2024, au premier jour de leur procès.