
Un mois après la fin des Jeux olympiques, de nombreux migrants, dont une majorité de mineurs isolés, reviennent dans la capitale. Mais leurs campements sont systématiquement démantelés par les forces de l’ordre en quelques heures. Surtout, aucune solution de mise à l’abri n’est proposée à ces jeunes, non reconnus mineurs par l’État et livrés à eux-mêmes.
(...) Cette politique de démantèlement systématique avait été mise en place pendant la phase préparatoire des Jeux olympiques – et un peu avant : depuis l’hiver dernier, tous les campements, notamment ceux installés sous les ponts de la Seine et dans l’hyper centre étaient évacués en moins de 24 heures - parce qu’ils se trouvaient sur le tracé de la cérémonie d’ouverture. Aujourd’hui, cette politique perdure, regrettent les associations.
Aucune "mise à l’abri"
Certes, l’installation de campements informels dans l’espace public n’a jamais été autorisée – c’est la politique du "zéro point de fixation" -, mais depuis des années, une sorte de tolérance permettait toutefois aux jeunes mineurs isolés de passer les nuits tranquilles, à plusieurs, dans des parcs, sous des ponts, des squares et de repartir au petit matin, couvertures et tentes repliées dans les sacs à dos. "On se demandait si cette tolérance allait revenir post-JO envers les campements, grands ou petits, qui étaient visibles vers le Canal de l’Ourcq ou sur les berges de Seine… Et bien, pas du tout", constate Antoine de Clerck (...)
Non seulement, les campements restent interdits, mais les jeunes ne reçoivent plus aucune proposition de "mise à l’abri" - contrairement aux majeurs, envoyés en régions. Et c’est un drame, rappelle Antoine de Clerck : ils ne sont pas pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance (tant qu’ils ne sont pas reconnus "mineurs" par l’État) et ils sont refusés dans les SAS en région et par le 115, qui n’accueillent que les publics adultes. (...)
Les associations avaient dénoncé ce phénomène "d’expulsion sèche" pour la première fois en février 2024, sur les berges de Seine. "C’est très rare", dénonçait alors Utopia 56. "Et c’est illégal. Une expulsion ne peut pas se dérouler n’importe comment".
Pour le Revers de la médaille, l’État se désengage complètement par peur d’un "appel d’air". "Avant, la préfecture de région essayait de trouver des solutions provisoires, elle trouvait des hébergements temporaires dans des gymnases", se rappelle Antoine de Clerck. "Mais aujourd’hui, la préfecture ne propose plus rien. Il n’y a plus aucune mise à l’abri de ces mineurs".
Des jeunes de plus en plus nombreux à Paris
Depuis le mois de septembre 2024, la situation est donc délétère pour les jeunes de retour à Paris - tout comme les nouveaux arrivants. Et pas seulement dans le centre de la capitale. L’association note aussi des retours d’exilés - mineurs et majeurs - vers les stations de métro ou de tram dans le nord de Paris, vers Colonel Fabien, Barbès, Delphine Seyrig. "Nous avons eu le témoignage de deux personnes qui ont marché toute la nuit car la police passait régulièrement les réveiller, à Stalingrad, le soir vers 23h30", écrit le Revers de la médaille dans un communiqué.
Et le nombre de mineurs isolés à la rue devrait continuer à grossir dans les jours à venir. (...)
Pour Utopia 56, qui tient une permanence chaque soir place de l’Hôtel de Ville pour tenter d’offrir un toit aux exilés, les solutions manquent cruellement. Les nuits sous tentes avec couvertures n’étaient pas l’idéal mais ils permettaient d’offrir un peu de répit aux jeunes migrants. Désormais, ces jeunes viennent grossir les rangs de l’hébergement solidaire.
"Nous avons un réseau d’hébergement solidaire, un tiers-lieu pour nous aider mais tout est saturé", explique Francesca d’Utopia 56. Les mineurs dorment souvent à même le trottoir, ou se cachent pour ne pas être repérés par les autorités. "Certains soirs, nous avons 100 personnes qui viennent nous voir et nous n’avons que trois solutions d’hébergement", détaille encore Francesca. "Combien seront-ils dans quelques semaines ?"