
Doctorante en sociologie, Lucie Wicky, spécialiste des violences sexuelles subies par les hommes et les garçons, décrypte pour franceinfo ce mouvement de prise de parole qui émerge sur les réseaux sociaux.
(...) Avez-vous néanmoins observé une difficulté plus importante, chez les hommes, à parler de ces violences sexuelles ?
On ne peut pas affirmer qu’il y a une sous-déclaration ou une silenciation particulières des hommes victimes de violences sexuelles. Il est vrai qu’ils ont moins d’espaces identifiés pour parler de ces violences. La plupart d’entre eux ignorent, par exemple, que le Collectif féministe contre le viol (CFCV) s’adresse à toutes les victimes. Il y a aussi un enjeu de masculinité non négligeable. Dans les entretiens que je mène, les hommes qui ont été victimes dans l’enfance parlent d’eux à la troisième personne, comme une stratégie pour mettre à distance l’impact sur l’homme qu’ils sont devenus aujourd’hui. Mais si l’on entend moins les hommes, c’est avant tout parce qu’ils sont moins victimes que les femmes. (...)
Les hommes sont davantage pris au sérieux et crus que les femmes, à situation de violence égale, en tout cas quand ils sont hétérosexuels. Les hommes gays et ceux qui s’identifient comme bisexuels ont tendance à être plus discrédités dans leur récit des faits. On les soupçonne de l’avoir cherché, comme pour les femmes, avec une inversion de la culpabilité. (...)
Que disent, justement, les chiffres sur les violences sexuelles subies par les hommes ?
Ils montrent que les hommes sont essentiellement victimes dans l’enfance et l’adolescence. Plus de 80% le sont avant l’âge de 18 ans. Et 50% déclarent être victimes entre 0 et 10 ans, dans la famille et l’entourage proche. Alors que les femmes sont victimes de violences sexuelles tout au long de la vie, les hommes dans ce cas sont rares (3,9%, contre 14,5%). (...)