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"Même envoyer un courrier est compliqué" : ne savoir ni lire ni écrire, le "handicap invisible" des exilés analphabètes
#exiles #migrants #immigration #langue #FLE
Article mis en ligne le 1er juillet 2024
dernière modification le 29 juin 2024

Parmi les exilés arrivant en France, certains n’ont jamais été scolarisés ou très peu. S’ils maîtrisent le français à l’oral, le fait de ne savoir lire ni écrire est un handicap majeur dans leur parcours d’intégration. La France compte environ 1% de personnes analphabètes, et leur situation est souvent mal prise en compte.

Parmi les exilés arrivant en France, certains n’ont jamais été scolarisés ou très peu. S’ils maîtrisent le français à l’oral, le fait de ne savoir lire ni écrire est un handicap majeur dans leur parcours d’intégration. La France compte environ 1% de personnes analphabètes, et leur situation est souvent mal prise en compte.

Dans les locaux de l’association FLE

et compagnie, à deux pas de la porte de Choisy, dans le 13e arrondissement de Paris, l’ambiance est studieuse ce mardi soir. Autour des grande tables, au centre d’une pièce aux murs blancs et verts, cinq étudiants se concentrent sur des exercices de préparation au DELF (Diplôme d’étude en langue française). En une centaine de mots, ils doivent décrire une ville qu’ils aiment et une fête traditionnelle de leur pays. (...)

Ici, les étudiants sont tous des adultes étrangers qui ont peu ou pas été scolarisés dans leur pays d’origine. Si certains s’exprimaient déjà sans trop de difficulté à l’oral lorsqu’ils ont débuté les cours, le français écrit leur était encore indéchiffrable.

Des personnes "scolarisées moins de cinq ans"

Au sein de l’association, les personnes "scolarisées moins de cinq ans ou pas du tout" sont considérés comme non-alphabétisées et donc orientées vers des cours d’alphabétisation, explique Emmanuelle Godart, professeure de FLE (français langue étrangère) et fondatrice de l’association FLE et compagnie en 2013.

Si aujourd’hui l’analphabétisme ne concerne qu’1% de la population française âgée de 7 à 65 ans, selon des chiffres de l’Insee (et 7% pour l’illettrisme qui désigne les personnes qui ont été scolarisées mais ont de grandes difficultés à lire et écrire), la part de personnes n’ayant suivi quasiment aucune scolarité est bien plus forte parmi les exilés. (...)

Or, pour eux, ne pas maîtriser la lecture et l’écriture est un frein majeur à l’intégration. Car dans la vie quotidienne, et encore plus dans le parcours de la demande d’asile, l’écrit est partout. "Les réfugiés sont bombardés d’informations écrites. Dans les transports, pour pouvoir suivre la scolarité de ses enfants. Même pour travailler sur un chantier c’est nécessaire, il faut pouvoir lire les consignes de sécurité par exemple", liste Emmanuelle Godart. (...)

La dématérialisation des procédures, une difficulté supplémentaire (...)

"Un jour, un de mes élèves m’a dit que ne pas savoir lire, c’était un handicap invisible, se remémore Emmanuelle Godart. C’est vraiment ça. Et comme pour tout handicap, on développe des compensations. Les gens non-alphabétisés ont par exemple souvent une très forte mémoire auditive." (...)

Emmanuelle Godart se dit admirative des efforts que font ses étudiants pour apprendre à lire et écrire le français. Tous viennent suivre ses cours le soir, après leur journée de travail. Cette formatrice en français depuis plus de 30 ans sait combien il est difficile d’apprendre une langue à l’écrit à l’âge adulte. Elle rappelle que si l’apprentissage d’une langue orale peut se faire naturellement, il n’en est rien pour l’écrit. (...)

Niveau A2

Pour les étudiants d’Emmanuelle Godart, la question de l’alphabétisation se pose de manière encore plus urgente depuis la promulgation de la loi asile et immigration en janvier dernier. Le texte prévoit que les personnes souhaitant obtenir un titre de séjour pluriannuel puissent justifier d’un niveau de français A2, soit le niveau demandé en fin de collège, en langue étrangère, aux élèves en France.

Selon le cadre européen de référence pour les langues (CECRL), le niveau A2 comprend des épreuves écrites et orales de compréhension et de production. Dans un décryptage de la loi asile et immigration, La Cimade a dénoncé des "exigences [qui] vont particulièrement impacter les personnes en difficultés avec l’écrit, les personnes dont la langue maternelle n’a pas le même alphabet que le français et enfin les femmes, souvent plus éloignées de la formation".

D’autant plus que les organisations qui dispensent des cours d’alphabétisation sont peu nombreuses. Les cours financés par l’Ofii dans le cadre du contrat d’intégration républicaine par exemple ne concernent que l’apprentissage oral de la langue. Didier Leschi, directeur général de l’Ofii, reconnaît que "le cursus est plutôt axé sur l’expression orale, car le but c’est de pouvoir bénéficier du titre de séjour pluriannuel qui nécessite d’avoir le niveau A2 oral". (...)

En réalité ce point précis de la loi n’a pas encore été arbitré, a indiqué le ministère de l’Intérieur à InfoMigrants, précisant que l’exigence d’un niveau A2 oral et écrit faisait débat depuis l’adoption de la loi (...)