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Mediapart
Même condamnés à perpétuité, les djihadistes continuent de nier
#PeterCherif #TylerVilus # #CharlieHebdo #attentats #jihad
Article mis en ligne le 8 mars 2025
dernière modification le 7 mars 2025

Au procès des geôliers de l’État islamique, Peter Cherif et Tyler Vilus ont été entendus comme simples témoins. Qu’ils ne desserrent pas les dents ou parlent pour ne rien dire, les terroristes renvoient toujours la même violence.

À une semaine d’intervalle, les deux terroristes djihadistes les plus surveillés et les plus craints par l’administration pénitentiaire, Peter Cherif et Tyler Vilus, étaient entendus comme témoins en visioconférence depuis leurs lieux de détention au procès des geôliers de l’État islamique. Pour illustrer de par leur simple présence, le parcours – du Yémen à la Syrie – des accusés.

Adoptant des postures radicalement opposées, les deux condamnés à perpétuité ont livré un même résultat : ils continuent de nier l’évidence.

Peter Cherif en visioconférence depuis sa prison. (...)

Lors de son audition au premier procès des attentats de janvier 2015, cet ami d’enfance des frères Kouachi avait refusé de témoigner, se murant dans un silence après avoir récité en arabe Al-Fatiha, la sourate d’ouverture du Coran.

Pour son propre procès qui allait, à l’automne 2024, le voir condamné à perpétuité pour son rôle de logisticien dans la tuerie ayant ensanglanté la rédaction de Charlie Hebdo, il s’était absorbé dans la contemplation de ses pieds durant des semaines, n’avait pas adressé un regard à sa mère handicapée alors qu’il ne l’avait pas vue depuis des années.

Pourtant, le seul Français ayant rejoint l’organisation terroriste Al-Qaïda dans la péninsule Arabique (Aqpa) aurait des choses à dire. Fin juillet 2011, il avait accueilli au Yémen Chérif Kouachi et Salim Benghalem (présumé décédé depuis en Syrie, il est jugé par défaut au procès des geôliers).

Il leur aurait servi de traducteur lors de la formation militaire qu’ils y ont suivie puis lors d’une rencontre avec un cheikh qui leur confiait la mission de s’en prendre aux dessinateurs français ayant caricaturé le Prophète. De retour en France, Salim Benghalem, pour des raisons inconnues, s’était désisté avant de finir par rejoindre la Syrie où il allait exercer, entre autres, le métier de chef de détention dans les prisons de l’État islamique. (...)

Peter Cherif ne reconnaît pas la justice des hommes. (...)

« Je ne réponds pas aux questions, Monsieur le président.

— Vous êtes sûr de cela ? Rien ne vous fera changer d’avis ? Cela serait important qu’on comprenne vos démarches.

— Je ne réponds à aucune question, Monsieur le président. »

Et le dialogue de sourds de s’achever en à peine six minutes, une sorte de record pour une audition devant une cour d’assises.

Un témoin goguenard

Une semaine plus tôt, depuis le centre pénitentiaire de Moulins-Yzeure (Allier), Tyler Vilus avait offert un tout autre visage. Le seul terroriste n’ayant pas perpétré d’attentat en France parmi les vingt et un hommes condamnés à perpétuité depuis 2017 est d’un naturel bavard. À notre connaissance, il n’a jamais été appelé à témoigner à un procès. Visiblement, l’exercice l’amuse. (...)

Premier djihadiste français à devoir répondre d’une accusation de « direction d’une organisation terroriste » liée à l’État islamique, premier revenant à être jugé pour un meurtre commis en zone syro-irakienne, Tyler Vilus avait été condamné en appel à la réclusion criminelle à perpétuité. La plus lourde peine jamais prononcée pour un djihadiste de retour de Syrie. À son premier procès, un avocat général avait mis en garde les juges contre le risque de « se faire duper » par cet accusé « capable d’hypnotiser » ses interlocuteurs alors que « quand on dissipe les rideaux de fumée de M. Vilus, on ne voit que des cadavres ». (...)

« Est-ce que vous avez participé de près ou de loin à l’enlèvement des otages occidentaux ? », commence le magistrat.

Hilare, le perpétuité qui ne risque plus rien répond « absolument pas ».

« Est-ce que vous en avez entendu parler ?

— Sûrement. C’est possible… » (...)

Plus que les propos qu’il adresse au ministère public, le danger (et la peur) qu’inspire toujours Tyler Vilus se mesure en creux. Dans le flot de ses paroles, le témoin glisse qu’il a cru comprendre qu’Abdelmalek Tanem, un des trois accusés dans le box, a parlé de lui sur procès-verbal.

À la fin de sa déposition, la parole est donnée à la défense. Me Noémie Coutrot-Cieslinski se lève. Elle n’a pas de question mais une observation : « Mon client n’a jamais parlé de Tyler Vilus en procédure. »

Personne ne veut encourir les foudres de celui dont il n’existe, selon une enquêtrice de la DGSI, « aucun profil équivalent dans les prisons françaises actuellement ».