Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Même après la censure, Macron cherche la route de la continuité
#France #gouvernement #AssembleeNationale #Macron
Article mis en ligne le 5 décembre 2024

Tout l’automne, le chef de l’État a constaté, impuissant, que les grandes décisions ne passaient plus par lui. Il a observé Michel Barnier s’émanciper et même tenter quelques incursions dans son pré carré diplomatique. Il n’a rien pu faire pour empêcher Gabriel Attal de mettre la main sur son groupe parlementaire, puis sur son parti.

(...) Pour l’hyperactif Emmanuel Macron, la chute de Michel Barnier n’est donc pas si dramatique. Le timing, lui, est plus embêtant : le président de la République aurait aimé voir son premier ministre passer l’hiver, le temps de porter le fardeau budgétaire et l’opprobre des 49-3. Une idée lui a traversé l’esprit : renommer Michel Barnier avec un gouvernement resserré et une seule mission, aller au bout de l’examen des textes financiers. « Quel sens ça aurait, si je tombe demain, qu’on me retrouve là après-demain comme si de rien n’était ? », lui a répondu l’intéressé mardi soir à la télévision.

À bas bruit, l’Élysée et le secrétariat général du gouvernement ont étudié plusieurs pistes ces derniers jours, comme celle consistant à laisser le gouvernement Barnier démissionnaire gérer, sur le mode « affaires courantes », la séquence budgétaire. Une option aujourd’hui écartée, et pour cause : un exécutif démissionnaire ne pouvant pas engager sa responsabilité avec l’article 49-3, le chemin ressemblait à un cul-de-sac. Dans la même veine, la mise sur pied d’un gouvernement technique a quelques adeptes, notamment à Bercy, où certains poussent le profil de François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France.

L’impossible coalition avec le PS

Dans un écosystème macroniste largement droitisé, quelques rares voix susurrent discrètement l’idée de regarder vers la gauche. Renverser les alliances, sortir de la main du Rassemblement national (RN), négocier un accord de non-censure entre une partie du Nouveau Front populaire (NFP) et le bloc central... (...)

Le président du groupe Ensemble pour la République (EPR), Gabriel Attal, a également appelé à « une équation politique où ce n’est plus le RN qui est en mesure de dicter la politique du gouvernement » (...)

Comme cet été, ces appels à une grande « coalition des modérés » devraient en rester au stade du vœu pieux. Les dirigeants du groupe socialiste ont certes ouvert la porte à un accord temporaire avec le bloc central, mais en précisant que celui-ci devait se conclure derrière un premier ministre de gauche et en partant du programme du NFP.

Un horizon inconcevable pour le président de la République, qui ne rate jamais une occasion de dire tout le mal qu’il pense des socialistes aux côtés desquels il s’est engagé il y a plus de dix ans. (...)

Celles et ceux qui connaissent réellement Emmanuel Macron savent qu’il n’a aucune envie d’ouvrir la porte du pouvoir à cette gauche honnie. L’été dernier, il avait déjà fait miroiter une nomination à Bernard Cazeneuve avant de reculer, agacé par sa volonté de revenir sur certains de ses choix politiques, comme la réforme des retraites. (...)

À l’Élysée, mercredi, la tendance n’était pas à l’élargissement, bien au contraire. Le président de la République veut aller vite, mais surtout, il veut reprendre la main. (...)

Pour ne pas laisser le terrain à ses oppositions, qui imaginent de plus en plus bruyamment sa démission, le chef de l’État espère trouver rapidement une solution qui puisse durer jusqu’à l’été. Pas trop tôt, pour ne pas éclipser le grand moment qu’il espère vivre samedi avec la réouverture de Notre-Dame de Paris. Mais pas trop tard, sous peine de mettre le budget en péril, d’effrayer les marchés financiers et de laisser les médias chroniquer la crise de régime. Le début de la semaine prochaine apparaît comme l’horizon des plus optimistes.

En attendant, comme à chaque période de remaniement, les stratèges du camp présidentiel font circuler quelques noms (...)

volonté du président de la République de tester son scénario privilégié : remettre un de ses fidèles soutiens à Matignon et reprendre les commandes de l’exécutif. « Le groupe EPR est le plus important du bloc central », aime-t-il à rappeler à ses équipes. Quitte à s’enferrer à nouveau dans le marchandage avec le RN qui a conduit Michel Barnier à sa perte. Ni la défaite du 7 juillet ni la censure du 4 décembre n’auront ébranlé les convictions d’un chef de l’État décidément peu friand d’alternance.

Lire aussi :

 Comment le RN a fini par faire chuter le gouvernement

La mascarade aura duré trois mois. Après avoir soutenu tacitement le gouvernement de Michel Barnier en refusant de le censurer dès sa nomination, Marine Le Pen et son groupe à l’Assemblée nationale ont acté la chute du premier ministre et de son équipe, mercredi 4 novembre, en votant la motion déposée par les composantes de gauche du Nouveau Front populaire (NFP). (...)

Après près de trois heures de débat, l’Assemblée nationale s’est prononcée pour la motion de censure, avec 331 voix. Marine Le Pen, invitée à intervenir sur le plateau de TF1, n’était pas présente pour assister à la chute du gouvernement, qu’elle a pourtant provoquée. (...)

Le mandat de Michel Barnier avait pourtant démarré sous d’autres auspices. Après des semaines de circonvolutions, le RN avait donné son accord pour ne pas censurer a priori son gouvernement, à l’inverse de ce qu’il promettait si un autre premier ministre entrait à Matignon. Une façon pour Marine Le Pen de se placer un peu plus au centre du jeu et de cultiver son image d’opposante responsable qui ne veut pas « ajouter du chaos au chaos », tout en mettant « sous surveillance » l’exécutif. (...)

Deux mois plus tard, la donne a changé. Sous la pression d’une base électorale qui n’attend que ça, et aiguillonné par un calendrier judiciaire défavorable, les parlementaires RN ont monté le volume de leurs menaces de censure et renforcé les « lignes rouges » défendues sur les textes budgétaires.

Vexations et remontées de terrain

Surtout, le parti de Marine Le Pen s’est estimé maltraité par un gouvernement qui avait promis, à son arrivée aux manettes, de considérer tous les groupes politiques de l’hémicycle comme des interlocuteurs égaux. Le recadrage, fin septembre, du ministre de l’économie Antoine Armand, tancé par Michel Barnier pour avoir osé renvoyer le RN hors de l’arc républicain, allait dans ce sens. (...)

au fil des discussions budgétaires, la volonté du chef du gouvernement de ne pas donner le point au parti d’extrême droite, même lorsqu’il cédait sur certaines de ses revendications, a passablement irrité Marine Le Pen. (...)

Face aux retours du terrain, les yeux rivés sur les enquêtes d’opinion, Marine Le Pen a d’abord temporisé, ne trouvant pas d’avantage politique à retirer d’une censure rapide. Mais elle a fini par changer d’avis, confrontée à un autre calendrier, celui de son procès pour détournement de fonds public dans le cadre de l’affaire dite des assistants parlementaires. Ainsi, dès le 12 novembre, jour de la présentation de l’autobiographie de Jordan Bardella dans les salons d’un hôtel huppé du centre de Paris, elle s’est faite plus offensive. (...)

Le chef du gouvernement avait pourtant été jusqu’à citer nommément la triple candidate à la présidentielle dans un communiqué de presse, assumant publiquement de céder face à l’une de ses demandes. La veille, dans La Tribune, Marine Le Pen avait exposé ses deux dernières lignes rouges et laissé la porte ouverte à une non-censure, si Michel Barnier accédait à l’une ou l’autre de ses demandes, « sur la désindexation des pensions ou sur le non-déremboursement des médicaments ». (...)

Une condamnation de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité pourrait tout remettre en question, à commencer par la relation entre la triple candidate à l’élection présidentielle et son dauphin désigné Jordan Bardella.

Mercredi soir, pendant que la présidente du groupe votait la première censure d’un gouvernement français depuis 1962, le président du parti pas encore trentenaire signait des dédicaces de son autobiographie et enchaînait les selfies, à quelques kilomètres de l’Assemblée nationale.