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Mégaprojet de Canal Seine-Nord : une vingtaine de chercheurs demandent « un moratoire »
#megaprojets #CanalSeineNord
Article mis en ligne le 2 novembre 2025
dernière modification le 30 octobre 2025

Une vingtaine d’enseignants-chercheurs, riverains du projet de Canal Seine-Nord, dénoncent une « logique de croissance des flux marchands, au mépris des populations et des écosystèmes ».

(...) Long de 107 kilomètres, ce canal a pour objectif de faire circuler des bateaux de 4 400 tonnes, contre 900 tonnes actuellement, sur l’axe Nord-Sud entre Aubencheul-au-Bac et Compiègne. Il deviendrait le maillon central de la liaison Seine-Escaut, un réseau fluvial à grand gabarit entre Le Havre, Paris, Anvers et le conglomérat North Sea Port (notamment Gand en Belgique et les ports de Zélande aux Pays-Bas).

Promu comme un projet maîtrisé, écologique et prometteur pour l’emploi, le CSNE est en réalité un gouffre financier, un anachronisme environnemental et une menace pour les collectifs de travail existants. Nous, enseignants-chercheurs à l’Université de technologie de Compiègne, au pied de laquelle les travaux du CSNE ont débuté, tenons à exprimer notre opposition à cette logique de croissance des flux marchands qui s’effectue au mépris des populations et des écosystèmes.

Une retenue d’eau équivalente à 5 600 piscines olympiques (...)

Outre la destruction du vivant, le CSNE bouleversera les ressources hydriques. (...)

D’après ses promoteurs, ce projet permettrait de réduire le nombre de camions circulant sur l’autoroute A1 grâce au transport fluvial. Le report modal (le fait qu’un type de fret se déporte vers un autre moyen de transport) est un phénomène bien étudié, et rien ne laisse présager qu’il s’opère ici en faveur du fluvial. En effet, celui-ci n’entre pas en concurrence avec le routier, mais avec le ferroviaire, qui transporte des marchandises similaires. (...)

Concernant les dizaines de milliers d’emplois promis par les défenseurs du projet, on peut se montrer tout aussi sceptique. Les chiffres avancés se fondent sur une logique optimale de ruissellement multiplicateur, là où en réalité, le e-commerce — facilité par les plateformes logistiques — a tendance à détruire des emplois. Le développement logistique repose sur une optimisation des flux qui ne produit pas d’apport social, mais rend le travail plus précaire et tourné vers une rentabilité financière immédiate.

D’autre part, la batellerie française, délaissée par l’État, ne cesse de décliner face aux contraintes d’investissement et de conditions de travail, et le CSNE renforce cette logique en permettant aux géants de la logistique internationale de pénétrer sur un espace qui leur était jusqu’alors difficile d’accès.

Enfin, à moins de rehausser les ponts (ce qui n’est pas prévu, ni budgété, et entraînerait des destructions patrimoniales, à commencer par celle du pont Solférino de Compiègne), les navires ne pourront circuler qu’avec deux étages de conteneurs, là où la rentabilité du projet en exigerait trois.

« Mener un projet aussi pharaonique dans le contexte actuel doit nous interroger » (...)

Nous refusons ainsi que soient mutualisés les coûts et privatisés les bénéfices, d’où notre demande d’un moratoire.

Nous souhaitons contribuer à développer une recherche-action, guidée par la construction d’alternatives orientées vers la soutenabilité écologique, le bien-vivre ensemble sur nos territoires et le déploiement de techniques à échelle humaine.