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Club de Mediapart/ Benjamine Weill2 Philosophe spécialisée sur les questions liées au travail social et la culture Hip-Hop
Me, myself and I, les dérives derrière les injonctions du développement personnel
#developpementpersonnel
Article mis en ligne le 9 mars 2024
dernière modification le 6 mars 2024

Hier, naïvement, j’ai eu l’outrecuidance de faire un post un instagram qui reprenait un extrait de l’interview donnée par Virginie Efira au magazine Society. Quel mal m’avait pris là ! Force a été de constater combien ces théories ne font que trop peu l’objet d’analyse critique et notamment politique. Petite explication de texte pour qui ça intéresse. (...)

(...) d’un point de vue intersectionnel, ces théories ne tiennent pas la route. A ce titre, impossible de les comparer aux autres formes de spiritualités et ce n’est en rien une thérapie, mais bien un mode d’emploi pour garantir le maintien d’une société capitaliste, blanche, bourgeoise, masculine et validiste.

Déjà définissons la gauche et la droite pour comprendre (qui n’est pas de la pensée binaire, mais un repère pour se positionner sur l’échiquier politique).

Etre de gauche : mettre l’accent sur l’autre avant soi quitte à aller contre les intérêts capitalistes (propriété, capitalisation, réussite individuelle, transmission de capital, exploitation d’autrui), qu’ils soient les nôtres ou non.

Etre de droite : adhérer au système capitaliste puisqu’il sert nos intérêts individuels quitte à aller contre les intérêts humains (empathie, attention et considération pour autrui, survie collective et non individuelle comme pour le climat par exemple qui ne s’arrête pas à nos frontières et aux stations de ski ou à des vagues de chaleur, solidarité concrète même si elles ne nous fait pas du bien).

Ensuite, revenons sur la question de la nuance. Force est pour moi de rappeler la différence fondamentale entre nuance et complexité vu le nombre de confusions observées en la matière quand on soutient un avis tranché et argumenté. (...)

La complexité, par exemple, c’est voir que derrière les accords Tolkènes et les théories du devperso ce sont essentiellement de la quête de soi, de la réussite personnelle qui se dévoilent et qu’elles s’adressent surtout aux privilégié.e.s qui ne vivent pas de micro agressions au quotidien, ne sont pas forcément conscient.e.s de leurs privilèges, ni des dynamiques de classes/races/genre qui impactent nécessairement leurs "énergies" et "lumière" de chacun.e.

Donc dire que le devperso c’est une logique de droite, c’est dire en substance que c’est une logique individuelle (centrée sur le soi et non sur l’autre), voire individualiste qui vise à développer son potentiel personnel dans un monde capitaliste donc à s’y adapter, à y être intégré, à y naviguer correctement. Cela ne veut pas dire que tout est de droite dedans et que rien n’est à prendre mais cela invite à ne pas y voir la panacée que ça se présente être. (...)

Si on ajoute à cela, que le concept de se libérer est assez centré sur soi puisque l’autre n’y est absolument pas impliqué, on voit que l’idée de fond n’est pas vraiment altruiste, mais assez égocentrée. C’est le soi qu’on libère - pour le bien des autres apparemment, mais c’est surtout de soi dont il est question qu’on le veuille ou non. Pas vraiment de gauche en soi, puisqu’être de gauche, c’est vouloir libérer les autres avant soi même, je sais ça paraît fou, mais c’est le principe. (...)

Autrement dit, le développement personnel renforce une vision magnifiée de soi et le sentiment de supériorité notamment. Cela fait croire à l’illusion de la connaissance de soi, de l’accès à soi sans entrave, que la notion même d’inconscient empêche et qui fait croire que les intentions et les perceptions de soi valent plus que celles des autres. Ce qui est problématique du point de vue du vivre ensemble. Par exemple, c’est mettre l’accent sur la "liberté d’expression" (le soi comme émetteur unique) et non sur la lutte contre les discriminations et incitations à la haine (le récepteur comme indicateur de la valeur accordée). (...)

le développement personnel s’entend mieux avec le libéralisme qu’avec les luttes d’émancipation quelles qu’elles soient. (...)

"Dans la vision du monde qui se dévoile ici, une société plus juste doit donc découler du développement personnel des individus. Mais le fait que le sentiment de bien-être de ceux-ci, à l’inverse, pourrait dépendre du degré de justice sociale n’est même pas envisagé. Et le travail de critique collective des conditions d’existence (donc notamment des injustices liées au genre, aux revenus, aux origines...) est lui aussi oublié ou négligé." (...)