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Mediapart
« Mayotte nous montre qu’il y a des catastrophes climatiques auxquelles on ne pourra pas s’adapter »
#Mayotte #cyclone #catastrophesclimatiques
Article mis en ligne le 20 décembre 2024
dernière modification le 17 décembre 2024

Chercheuse spécialiste des ouragans à l’université d’Oxford, Stella Bourdin revient sur l’exceptionnalité du cyclone Chido qui a ravagé Mayotte et sur l’intensité croissante de ces épisodes, attisée par le dérèglement climatique.

Le cyclone tropical intense Chido qui a dévasté Mayotte samedi 14 décembre est l’un des plus violents à avoir frappé l’île en quatre-vingt-dix ans.

À une puissance rare – des vents de 226 kilomètres-heure ont été mesurés – s’ajoute une trajectoire exceptionnelle qui a conduit à la dévastation du territoire le plus pauvre de France. La totalité de l’habitat précaire a été détruit, 85 % des Mahorais·es sont sans électricité. Les morts pourraient se compter par milliers. (...)

Stella Bourdin : Il faut d’abord rappeler que décembre marque le début de la saison cyclonique dans le bassin sud de l’océan Indien.

Météo-France avait prévu une saison au-dessus de la moyenne à cause de l’actuelle température élevée des eaux de surface de l’océan. Or l’énergie d’un cyclone, et donc son intensité, provient de la chaleur qu’il puise dans ces eaux océaniques. (...)

Il existe toujours une grande part d’aléatoire quand un cyclone tropical se forme. Cela dépend des conditions environnementales externes, de sa trajectoire, de l’endroit précis que va atteindre le cyclone. Si on se réfère à l’échelle de Saffir-Simpson utilisée par les météorologues américains pour classer les ouragans, Chido est un cyclone de catégorie 4 sur une échelle de 5. C’est donc un événement extrême très intense et exceptionnel. Toutefois, d’un point de vue scientifique, Chido incarne un cyclone, qui, s’il est rare, reste statistiquement probable. (...)

Chido étant déjà un événement climatique rare, il est encore moins probable qu’un deuxième cyclone touche spécifiquement Mayotte. Dans le sud de l’océan Indien, on dénombre en moyenne 9,3 cyclones par an. On pourrait donc avoir d’autres épisodes qui touchent La Réunion, Madagascar ou la côte est africaine, mais pas forcément avec la même intensité.

Chido est-il lié à l’intensification du changement climatique ?

On ne peut pas encore le dire. Pour les cyclones tropicaux, ce qu’on appelle les études d’attribution [discipline définie par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) comme « l’identification des causes des changements dans les caractéristiques du système climatique » – ndlr] sont compliquées à réaliser car ce sont des phénomènes trop rares.

Les premières études d’attribution rapides pour Chido seront peu conclusives – comme le montre déjà l’outil européen ClimaMeter –, on pourra avoir des études basées sur d’autres méthodes seulement d’ici quelques mois.

Ce dont on est sûr, c’est que sur une planète plus chaude, l’intensité de ces cyclones sera plus importante. En revanche, on ne sait pas encore s’ils seront plus fréquents à l’avenir. (...)

le Giec souligne que pour chaque degré de réchauffement en plus, sachant que nous sommes déjà dans un monde à + 1,2 °C, les précipitations augmentent de 7 % (...)

Les prévisions annonçaient une saison cyclonique exceptionnelle dans l’Atlantique nord, et tout a été bien pire que prévu. Nous avons eu effectivement des événements très puissants comme Beryl, Kirk ou Helene, celui-ci ayant réussi à s’enfoncer dans les terres aux États-unis, jusqu’à faire des dégâts en Caroline du Nord.

Mais on ne peut dire si cela est directement lié au changement climatique. Si on plonge dans le passé, il n’existe pas encore de signe détectable qui montre que ces cyclones sont un symptôme du réchauffement. (...)

On a vu que les vents violents de Chido faisaient s’envoler les tôles des toits à Mayotte : une des premières mesures d’adaptation serait donc d’ériger des habitations qui puissent résister à ces cyclones tropicaux. Ensuite il y a la nécessité d’avoir des systèmes d’alerte et de prévention le plus opérationnels possible.

Cependant, ce qu’on a vu à Mayotte montre qu’il y a des catastrophes climatiques auxquelles on ne pourra pas s’adapter. On parle beaucoup de la nécessité de l’adaptation au changement climatique futur mais nous ne sommes même pas encore adaptés à la réalité climatique actuelle.

Ces catastrophes soulignent ainsi qu’il faut d’urgence tout faire pour réduire le plus possible nos émissions de gaz à effet de serre.