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AfriqueXXI
Mayotte. Le stress post-traumatique, l’autre ravage après Chido
#Mayotte #cyclone #stressposttraumatique
Article mis en ligne le 18 avril 2025
dernière modification le 15 avril 2025

Reportage · Le passage du cyclone Chido, mi-décembre 2024, a marqué à l’encre indélébile le paysage de Mayotte. Près de trois mois après, d’autres séquelles se font jour : de nombreux habitants souffrent de troubles de stress post-traumatiques. Les rares soignants de l’archipel sont démunis face à ce symptôme qui, pour certains habitants, s’ajoute à d’autres traumas.

Après le passage du cyclone Chido, le 14 décembre 2024, il a d’abord fallu vérifier que ses proches étaient sains et saufs. Les jours suivants, trouver de l’eau et de la nourriture est devenu un combat quotidien, entre l’absence d’eau courante et les rayons vides des magasins. Les jours passant, les habitants ont tenté de réparer leurs maisons avec des bâches et des tôles. Trois mois plus tard, l’île reste dévastée mais, surtout, les esprits sont durablement marqués.

Le bilan officiel de la préfecture du département évoque 40 morts et 41 disparus. Des chiffres contestés. Le 8 janvier, le sénateur Saïd Omar Oili a indiqué avoir posé des questions aux services de l’État, mais n’avoir « jamais eu de réponses » : « On n’a pas cherché tous les disparus. » Par-delà les chiffres, un silence lourd et oppressant s’est installé. Déjà fragilisés par des années d’insécurité, aujourd’hui livrés à eux-mêmes, les habitants de Mayotte font face à un mal moins visible que les maisons détruites et les corps meurtris : les séquelles psychologiques laissées par Chido pourraient avoir des conséquences autrement plus profondes (...)

Parfois, Chido n’a fait que raviver certains traumatismes existants, alors que la santé mentale des habitants de Mayotte était déjà préoccupante avant son passage. Une enquête menée par l’Insee en 2020 révélait que 59 % des habitants de Mayotte âgés de 14 ans et plus se sentaient « souvent ou parfois » en insécurité (contre 19 % dans l’Hexagone), que ce soit à domicile (48 %) ou dans leur village ou quartier (52 %).

« La pire chose qui pouvait arriver »

Le témoignage d’Amina, une jeune femme d’origine malgache, illustre l’impact de ces événements sur la santé mentale des habitants. En février 2024, lors des barrages organisés par le collectif Les Forces vives de Mayotte, qui dénonçaient l’insécurité et la crise migratoire, elle est violemment agressée. « Quand je suis rentrée chez moi, à Kawéni, [au nord de Mamoudzou, NDLR], des délinquants m’ont lancé des pierres, j’étais blessée, personne n’est venu m’aider », raconte-t-elle. Jusqu’au passage du cyclone, elle se faisait suivre au centre médico-psychologique de Mamoudzou.

Depuis le passage de Chido, les troubles d’Amina n’ont pas cessé, mais elle ne peut plus se rendre dans les centres médicaux pour recevoir des soins. « Je n’ai pas le temps d’y aller. Il faut que je trouve du travail », explique-t-elle, évoquant la destruction de l’appartement où elle effectuait des ménages et l’urgence de survivre au jour le jour.

« Le cyclone a réveillé tout ce qui avait été difficile ces dernières années, explique une psychologue du Centre hospitalier de Mayotte (CHM). Les opérations policières de Wuambushu
, la crise de l’eau, les barrages, et l’insécurité... C’était une année déjà très difficile. Le cyclone a été la pire chose qui pouvait nous arriver », rapporte-t-elle.

« Au niveau psychologique, ça va mal » (...)

Les habitants de Mayotte vivent par ailleurs dans une peur constante de nouveaux cyclones. (...)

Les professionnels de santé de l’île, déjà confrontés à une crise systémique de longue date, se sont retrouvés face à un afflux massif de patients en détresse psychologique. (...)

Et contrairement à d’autres événements traumatiques où les symptômes se dissipent progressivement, les troubles mentaux se sont intensifiés avec le temps. (...)

Les centres médico-psychologiques de Mayotte sont saturés. Les professionnels de la santé mentale se retrouvent confrontés à une explosion des cas de stress post-traumatique dans un contexte où les infrastructures de santé ont été partiellement détruites (...)

Les enfants, déjà fragilisés par les tensions sociales et l’insécurité ambiante, sont particulièrement affectés. (...)

Le Dr Zaazoua insiste sur l’incapacité du système de santé à faire face à cette crise psychologique exacerbée par un manque chronique de moyens, mais aussi par un profond décalage culturel. « Vouloir imposer la psychiatrie occidentale dans un contexte qui ne la reconnaît ni comme légitime ni comme nécessaire, c’est comme essayer de planter un baobab dans un pot de fleurs », regrette-t-il. (...)