L’opération de démantèlement du camp de Tsoundzou 2 a eu lieu ce mercredi à Mayotte. Pelleteuses et forces de l’ordre ont détruit les cabanes et tentes installées depuis février dernier et le démantèlement du précédent camp de Tsoundzou 1.
Les engins de démolition sont arrivés aux alentours de 8h au camp de Tsoundzou 2, au sud de Mamoudzou, mercredi 22 octobre. Une case après l’autre, le lieu de vie de plusieurs centaines de personnes a donc été détruit. Elles étaient installées ici depuis février, date à laquelle le précédent camp de Tsoundzou 1 a été démantelé. Avant cela, ces centaines d’exilés avaient d’abord trouvé refuge dans le collège de Kwalé et au lycée Younoussa-Bamana de Mamoudzou, transformés en centres d’hébergement d’urgence au moment du passage du cyclone Chido. (...)
Ce mercredi, "plus de 400 personnes" ont été prises en charge, selon la préfecture. Venu superviser le démantèlement, le préfet s’est félicité de "la plus grosse mise à l’abri réalisé depuis 24 mois à Mayotte". Et d’ajouter : "Et nous allons continuer de le faire au cours de cette matinée, en priorisant les personnes vulnérables, les femmes avec enfants et les mineurs isolés".
"1 272 personnes réparties en 255 ménages"
Selon l’enquête sociale réalisée en amont de l’opération, "1 272 personnes réparties en 255 ménages" étaient présentes dans le camp à la date du 25 septembre. Le camp était peuplé essentiellement d’Africains des Grands lacs et de l’Est (RDC, Rwanda, Burundi, Somalie et Yémen), selon une source locale à InfoMigrants. On retrouvait notamment des primo-arrivants "n’ayant pas pu déposer de demande d’asile à cause du blocage de la préfecture", en raison des dégâts causés par le cyclone Chido fin 2024 et le blocage du bureau des étrangers de la préfecture par le collectif des citoyens de Mayotte 2018 pendant plusieurs semaines.
On compte aussi des demandeurs d’asile sans solution d’hébergement et des déboutés du droit d’asile, tout comme des personnes ayant obtenu le statut de réfugié mais "qui ne parviennent pas à quitter le territoire et qui restent dans des situations de précarité, parfois sans hébergement", selon cette même source. (...)
Manque de relogements
Des dizaines, voire centaines, de migrants restent donc à la rue après ce démantèlement. Sur des images diffusées par les médias locaux, on pouvait d’ailleurs voir plusieurs personnes quitter les lieux. Matelas sur le dos, ustensiles de cuisine, sacs d’affaires… Elles ont emmené avec elles tout ce qu’elles pouvaient transporter.
Interrogé sur la possibilité qu’un camp se reforme, comme ce fut le cas après le démantèlement du camp de Cavani en mars 2024 ou celui de Tsoundzou 1 en février 2025, le préfet de Mayotte a estimé que cela était "tout à fait possible". Il a évoqué qu’il s’agissait d’un "problème durable" pour le territoire.
Cette opération, sans proposition de relogement pour tous, est désormais possible depuis l’adoption de la loi pour la refondation de Mayotte adoptée par le Parlement en août dernier. "Jusqu’au 13 décembre 2034, le représentant de l’État à Mayotte peut (…) déroger à l’obligation d’annexer une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence", stipule l’article 18.
Un dispositif législatif critiqué par nombres d’associations. Notamment car il rend toutes contestations judiciaires impossibles, estime Marjane Ghaem, avocate en droits des étrangers qui a longuement travaillé sur le dossier mahorais. "La seule possibilité de faire des recours, c’était contre le manque de propositions de relogements", dit-elle à InfoMigrants, résignée. "Aujourd’hui, on ne peut plus rien faire quasiment". (...)
Les autorités locales font face à un manque structurel de places d’hébergement rendu encore plus critique depuis le passage du cyclone Chido sur l’archipel. (...)
Lieux de vie précaires
Faute de mieux, les exilés à Mayotte n’ont d’autres choix que de s’installer dans ce type de camps, où les conditions de vie sont généralement difficiles. Selon l’enquête de l’Agence régionale de santé (ARS), le lieu est "insalubre" et comporte des "risques sanitaires graves" comme "la survenue ou l’aggravation de pathologies, notamment des maladies infectieuses ou parasitaires", des "atteintes à la santé mentale" ou encore un "stress hydrique et de déshydratation". (...)
L’ARS note également "la présence de personnes en situation de grande précarité et de personnes vulnérables", dont "de nombreux enfants en bas âge et des femmes enceintes".
De son côté, un rapport de police faisait état de troubles à l’ordre public comme "des affrontements intercommunautaires", du "harcèlement par les bandes de jeunes" ou encore des "vols et agressions le soir d’Africains isolés".