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Orient XXI
Maroc-Algérie, la guerre de l’eau
#eau #Maroc #Algerie
Article mis en ligne le 12 janvier 2025
dernière modification le 8 janvier 2025

Les relations entre le Maroc et l’Algérie ne cessent de se détériorer comme en a témoigné la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays en 2021. Mais un nouveau front s’est ouvert ces derniers mois, celui de l’eau, avec la construction d’un barrage dans une zone frontalière et contestée.

La donne a changé avec la construction d’un barrage, en amont, en territoire marocain. L’oued Guir draine les eaux du versant sud des montagnes du Haut Atlas marocain et s’étend sur plus de 400 kilomètres. La mise en service du barrage de Kaddoussa a eu lieu en 2021 et la réduction du débit de l’oued Guir a été fatale pour le lac de barrage de Djorf Torba situé en aval en territoire algérien et inauguré dans les années 1960. Un barrage qui, jusqu’à ces dernières années, alimentait les 200 000 habitants de la ville de Béchar et ses environs ainsi que les 5 000 hectares du périmètre agricole d’Abadla. Une région qui a été longtemps revendiquée par le Maroc.

Les sécheresses de ces dernières années avaient déjà réduit le débit de l’oued Guir et l’approvisionnement en eau des habitants de Béchar, mais, avec le barrage de Kaddoussa, ses habitants se sont retrouvés privés d’eau. Les autorités algériennes ont alors ordonné la réalisation express d’un transfert des eaux du champ de captage de Guetrani, une région riche en eau.

Des travaux pharaoniques (...)

L’assèchement du lac de barrage de Djorf Torba s’est traduit par un désastre écologique avec la disparition de dizaines de milliers de poissons et d’une halte pour les oiseaux migrateurs. Les loutres qui avaient été introduites sur le site n’ont dû leur salut qu’à leur transfert vers les berges d’autres barrages.

S’estimant lésée, l’Algérie a porté l’affaire sur la scène internationale. D’abord le 20 mai 2024, lors du Forum mondial de l’eau à Bali, puis du 23 au 25 octobre à Ljubljana (Slovénie) à l’occasion d’une réunion relative à la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontaliers. À Bali, Taha Derbal le ministre algérien de l’Hydraulique a dénoncé « un assèchement systématique des barrages et des sources d’eau » de l’extrême ouest du pays. Sans citer le Maroc, il a accusé « l’un des pays voisins, [qui] par ses comportements irresponsables, a perturbé l’équilibre écologique, ce qui a gravement affecté la faune et la flore le long des frontières occidentales [de l’Algérie] ». À Ljubljana, les pratiques du voisin marocain ont été dénoncées par Taha Derbal : « Les régions ouest et sud-ouest de l’Algérie subissent des effets négatifs résultant des pratiques de l’État voisin, le Maroc, obstruant et détruisant les eaux de surface transfrontalières » selon l’agence Algérie Presse Service (APS).

L’adduction en eau potable de la ville de Béchar et l’assèchement du secteur agricole ne constituent pas les seuls secteurs demandeurs en eau. Les besoins augmentent également du fait de projets industriels. (...)

En octobre 2023, le quotidien El Moudjahid indiquait qu’un « gigantesque poste de transformation » électrique et une station d’approvisionnement en gaz naturel devraient être réalisés afin de satisfaire les besoins en énergie du futur complexe. Un complexe qui devrait consommer de grandes quantités d’eau en provenance du champ de captage de Guetrani, de la station d’épuration des eaux usées de Béchar et de celles recyclées au niveau du complexe industriel.

Un barrage pour exporter des dattes

Les déclarations de Taha Derbal ont suscité des réponses acerbes du côté marocain (...)

Cette stratégiedes grands barrages est dénoncée par l’économiste marocain, Akesbi Nadjib, pour son caractère « hydrovore » car l’eau mobilisée sert principalement aux cultures d’exportation cultivées dans un environnement aride. Mohamed Tahar Essraïri de l’Institut agro-vétérinaire de Rabat dénonce dans la presse locale l’extension des surfaces plantées en palmiers dattiers. Celles-ci nécessitent de répondre à une demande en eau de l’ordre de 1 200 mm alors que la pluviométrie annuelle est inférieure à 200 mm, ce qui oblige de continuelles ponctions sur les rares ressources en eau locales. Une situation préoccupante pour l’AFD (...)

Entre approvisionnements des populations en eau potable, projet marocain d’exportation de dattes et projet sidérurgique algérien, la demande en eau devrait augmenter dans la zone frontalière des deux pays. En attendant, le Maroc et l’Algérie doivent affronter un ennemi commun : l’envasement de leurs barrages et l’évaporation.