Depuis le début de l’année, les Bangladais sont la troisième nationalité la plus représentée parmi les personnes traversant la mer Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Pourtant, les demandes d’asile des Bangladais en Europe sont rarement acceptées. A peine 5 % d’entre elles ont été approuvées ces dernières années, selon l’Agence de l’Union européenne pour l’asile.
Traditionnellement, l’immigration bangladaise se tourne vers les pays du Golfe (Bahreïn, Arabie Saoudite, Qatar…), où les prospères infrastructures pétrolières attirent une main-d’œuvre peu qualifiée et bon marché. Mais les abus (confiscations de passeports, non-paiement de leurs salaires, sévices…) y sont légion. Beaucoup rejoignent alors la Libye où les nombreuses ressources en or noir et en gaz sont autant de synonymes d’emploi. Mais la chute de Mouammar Kadhafi a aussi laissé le pays en proie à l’instabilité et au chaos - une réalité dont ils sont mal informés.
En 2017, déjà, InfoMigrants avait rencontré, à bord de l’Aquarius, de nombreux Bangladais secourus en Méditerranée. Ils fuyaient la Libye, un pays devenu invivable. Sept ans plus tard, les mêmes récits, les mêmes drames se font entendre sur le Life Support.
La migration s’organise sur les réseaux sociaux (...)
Les questions liées à la migration sont omniprésentes sur Facebook et WhatsApp. Ces dernières permettent d’obtenir des informations - truffées de mensonges - sur les voies de passage vers l’Europe, en entrant en contact avec des passeurs.
Absence de fact-checking
"Ils ne se rencontrent même pas, explique Anas Ansar. Tout se passe sur les réseaux sociaux...Il existe des centaines de milliers de pages..." Cette situation profite aux passeurs, qui ne veulent pas être tracés.
Les algorithmes et l’intelligence artificielle utilisés par les géants du web ne sont pas en mesure de vérifier efficacement les informations diffusées en bangladais. "Et les gens croient ce qu’ils ont envie de croire", constate Anas Ansar. (...)
"La migration est depuis longtemps une sorte de ’stratégie’ au sein des ménages", explique Anas Ansar de l’Université de Bonn. "Pour les Bangladais, cette stratégie fonctionne ainsi : tous les membres de la famille aident la personne qui a le plus de chances d’arriver à destination. Ensuite, l’enjeu est d’aboutir à une migration en chaîne, c’est-à-dire que cette personne puisse faire venir les uns après les autres".
Une vie dans l’ombre
Les demandes d’asile des Bangladais en Europe sont rarement acceptées. A peine 5 % d’entre elles ont été approuvées ces dernières années, selon l’Agence de l’Union européenne pour l’asile.
Lorsque les migrants bangladais réussissent à atteindre l’Italie, et en attendant que leur demande d’asile soit traitée, ils sont généralement hébergés dans des centres d’accueil. Malgré l’incertitude, leur titre de séjour temporaire leur permet de suivre des cours d’italien et de travailler.
Francesco Della Puppa rappelle que nombre d’entre eux se retrouvent à travailler dans "l’économie souterraine". Contrairement aux pays du nord de l’Europe, "dans le sud du continent, cette économie structure en partie le marché du travail et est presque normal, surtout dans certains secteurs comme la restauration ou l’hôtellerie".
Ces travailleurs migrants, qui n’ont aucun droit, sont très rentables pour les employeurs lorsque comme dans l’agriculture, ils ne sont payés que deux euros de l’heure.
Une fois tous les recours de l’asile épuisés, les autorités italiennes peuvent formuler un avis d’expulsion. Mais les renvois vers le Bangladesh sont rarement exécutés, explique Francesco Della Puppa, car les rapatriements massifs seraient trop coûteux pour le gouvernement italien. (...)
Pourtant, en 2021, plus de 10 000 d’entre eux ont reçu un ordre de quitter l’UE, et plus de 15 000 en 2022.