
EDF veut implanter deux EPR2 sur le site nucléaire du Bugey, dans l’Ain. Un débat public se tient jusqu’à fin mars pour discuter d’un chantier... qui semble déjà acté. Les activistes antinucléaires préparent la réplique.
Pour EDF, enraciner ces réacteurs dans l’Ain est une évidence. Son bassin industriel et son climat politique sont favorables à l’atome. Les collectivités locales réclament en chœur l’EPR2. À Loyettes, le maire et plusieurs de ses adjoints sont eux-mêmes retraités d’EDF. (...)
Devis à 100 milliards
Sur le papier, le projet promet aux communes d’alléchantes retombées économiques. La construction des EPR2 fait miroiter jusqu’à 8 000 emplois au plus fort du chantier, puis 2 000 pour les faire tourner à l’horizon 2045. Selon EDF, l’électricité produite correspondrait à 40 % de la consommation annuelle de l’Auvergne-Rhône-Alpes. Mais des ombres planent sur le dossier. D’abord estimé à 51,7 milliards d’euros, le devis des trois paires d’EPR2 a déjà dérapé à 67,4 milliards, et pourrait dépasser les 100 milliards selon la Cour des comptes. Le coût précis des EPR2 du Bugey n’est pas connu. (...)
Ce brouillard budgétaire n’inquiète pas les élus de l’Ain. Le schéma de cohérence territoriale (Scot) a déjà été modifié en 2023 pour accueillir les futurs réacteurs ainsi que les infrastructures routières et hôtelières destinées aux ouvriers du nucléaire. La quasi-totalité des 220 hectares nécessaires aux EPR2 a déjà été acquise par EDF. Selon Anne-Marie Brunet, une partie des terres agricoles a été cédée à un prix plus que généreux, fixé par la Safer, elle-même missionnée par l’électricien : « Celles qui valaient 35 à 40 centimes le mètre carré en 2018 sont estimées à 7 euros aujourd’hui. » Joint par Reporterre, EDF a refusé de commenter ces montants. (...)
Face aux promesses d’emplois, l’institutrice oppose les risques de l’atome. Elle-même y a été sensibilisée par l’association Sortir du nucléaire (SDN), qu’elle a intégrée en 2018. Plus ancienne centrale en activité, le Bugey a laissé fuiter de l’eau radioactive dans le fleuve Rhône voisin en 2022.
Par ailleurs, une catastrophe pourrait advenir : en amont de l’usine nucléaire, le barrage de Vouglans rencontre « des problèmes de stabilité » selon une enquête d’Envoyé spécial. S’il cède, un tsunami balaierait la vallée de l’Ain jusqu’au site nucléaire.
Le débat public : de la poudre aux yeux (...)
Le 20 février, une série de conférences se tenait au centre commercial du Carré de Soie, à Vaulx-en-Velin, en périphérie de Lyon. À l’extérieur, des affiches antinucléaires ont été collées sous l’œil courroucé des vigiles. À l’intérieur, les stands de Greenpeace, Sortir du nucléaire et Négawatt côtoyaient ceux d’EDF, RTE et des Voix du nucléaire.
Pour les opposants aux EPR2, cette concertation n’est que de la poudre aux yeux. Des informations cruciales sont absentes du dossier présenté par le maître d’ouvrage. « On ne sait pas ce que les EPR vont coûter ni comment ils vont être financés », pointe Yves Marignac de Négawatt lors d’un débat. (...)