
Le Sénat doit se prononcer jeudi 21 mars sur le traité de libre-échange entre l’UE et le Canada, à l’initiative du groupe communiste. En pleine crise agricole, c’est un moment de vérité pour la politique commerciale de l’Union.
Le Ceta refait parler de lui. Et ce traité de libre-échange conclu entre l’UE et le Canada, symbole des contradictions de la politique commerciale européenne, pourrait bien s’inviter dans la campagne pour les élections européennes du 9 juin, comme il l’avait déjà fait lors du précédent scrutin de 2019.
Le groupe communiste au Sénat a inscrit à l’agenda de la Chambre haute, profitant de sa niche parlementaire, la ratification du Ceta. Le vote est prévu jeudi 21 mars. À ce stade, le texte n’a pas de majorité, même si l’exécutif d’Emmanuel Macron s’active en coulisses, dans la dernière ligne droite, pour éviter son rejet.
Après des années de négociations, ce traité commercial avait reçu le feu vert du Parlement européen en février 2017, malgré un vote négatif de la majorité des élu·es français·es à l’époque. Ce qui avait permis une entrée en vigueur provisoire de l’essentiel des chapitres du texte : son volet purement commercial (la baisse des droits de douane). (...)
En résumé : un accord de libre-échange majeur est entré en vigueur depuis septembre 2017, et s’applique au commerce français, alors même que l’une des assemblées qui doit le ratifier s’y oppose. De quoi alimenter le vieux procès en manque de légitimité de la politique commerciale de l’Union, déjà manifeste au moment des négociations marathons avec les États-Unis pour un TTIP/Tafta qui n’a jamais abouti.
C’est pourquoi l’inscription du Ceta à l’agenda du Sénat, après plus de trois ans d’attente, contre l’avis d’Emmanuel Macron, mais aussi en pleine crise agricole, constitue un test majeur. Que se passera-t-il en cas de rejet ? (...)
« En cas de rejet formel par l’un des États membres, nous entrerions dans une zone qui n’a jamais été envisagée par les rédacteurs du traité de Lisbonne, avance Maxime Combes, économiste à l’Aitec. Tout a toujours été construit de façon à ce que tout coule de source, sans heurt, à partir du moment où la Commission est mandatée par les États membres pour négocier l’accord de libre-échange. L’hypothèse d’un blocage de la ratification par la Wallonie ou la France n’a jamais été imaginée. » (...)
« L’UE vient de dire que le traité sur la charte de l’énergie, qui est un traité de protection des investissements en matière d’énergie, n’était pas acceptable. Et dans le même temps, on continue de vouloir ratifier un accord qui va instituer un nouveau tribunal d’arbitrage entre le Canada et l’UE. C’est totalement contradictoire », dénonce Maxime Combes. (...)
Ce vote au Sénat replace donc au cœur de la campagne la question ultra-sensible des politiques de libre-échange, alors que les élu·es au Parlement européen disposent d’un droit de veto sur le sujet.
Jusqu’à peu, Emmanuel Macron pensait avoir déminé le dossier sulfureux d’un autre accord en chantier, entre l’UE et les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay). L’exécutif s’en tenait à une formule ambiguë : « pas d’accord en l’état ». Mais ce retour inattendu du Ceta au premier plan, et le soutien du camp macroniste à ce texte, vont sans doute obliger la cheffe de file de Renaissance dans la campagne, Valérie Hayer, à sortir des contradictions en matière de libre-échange.