
Les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2030 sont prévus pour être organisés dans les Alpes françaises. Cette décision est vantée par ses promoteurs : elle permettrait notamment de renforcer l’attractivité des stations alpines. En réalité, elle répond à un modèle dépassé, socialement et économiquement très risqué et nuisible sur le plan environnemental.
Le réchauffement climatique : une réalité incontournable ignorée par les JOP 2030 ?
Une étude publiée dans la revue The Cryosphere a montré que, entre 1971 et 2019, la période durant laquelle il y a de la neige au sol chaque hiver s’est réduite en moyenne de 22 à 34 jours dans les Alpes en dessous de 2000 mètres d’altitude [2].
Météo France a par ailleurs calculé que, dans les Alpes et les Pyrénées françaises, la température a augmenté de +2°C au cours du 20ᵉ siècle, contre +1,4°C dans le reste de la France.
La situation ne va pas s’améliorer. Selon les projections du CNRS, les Alpes verront, d’ici à 2050, une augmentation des températures moyennes annuelles de 1,5 à 2,5 degrés, avec une épaisseur de neige moyenne se rapprochant de zéro en dessous de 1.500 mètres d’altitude.
Selon Météo France, d’ici 2050, les jours de gel pourraient diminuer de 32 jours dans l’année. (...)
On pourrait multiplier les études, ainsi que les témoignages. En résumé, la baisse du niveau et de la durée d’enneigement va se poursuivre et met déjà en danger non seulement les stations de basse et de moyenne altitude mais produira aussi progressivement ses effets chez celles de plus haute altitude. (...)
Un « sale coût » économique
Le coût des futurs JOP 2030 est déjà l’objet de polémiques. Le comité d’organisation des JOP 2030 a chiffré le budget à 1,9 milliard d’euros. Mais l’Inspection générale des finances (IGF) estime d’ores et déjà que les JO 2030 coûteront en réalité près de 2,4 milliards d’euros, dont 900 millions d’euros financés par l’État
Son résultat prévisionnel présente un déséquilibre évalué entre 850 et 900 millions d’euros, à couvrir par les collectivités publiques. Concrètement, le déficit sera payé par les contribuables.
Les partisans des JOP 2030 avancent de mirifiques retombées économiques pour les Alpes, un peu à la mode du « ruissellement ». Mais ces prétendues retombées doivent être mises à l’aune d’une part, du bilan des précédents JO d’hiver et d’autre part, des conséquences du réchauffement climatique. Il s’agit donc de remettre les choses en perspective. Cette théorie du ruissellement avancée par les pouvoirs publics n’a jamais été démontrée. En l’espèce, la balance avantages/inconvénients des investissements dans les stations est déjà déséquilibrée en défaveur des populations locales. (...)
Concrètement, continuer à skier ne sera possible qu’en haute altitude et avec le recours à l’enneigement artificiel, mais seulement lorsque les températures le permettront. Pour permettre une durée d’ouverture suffisamment longue, il faudra équiper et développer des domaines en plus haute altitude. Ceci signifie notamment d’importants frais d’investissement et de fonctionnement pour acheter, installer et utiliser le matériel adéquat. Tout cela pour un retour incertain. (...)
Dans les Alpes française les sports d’hiver concernant moins de 10% de la population. La montée en altitude des stations s’accompagne de surcoûts et d’une montée en gamme des stations : la clientèle se concentre sur les touristes étrangers et les classes supérieures qui profitent ainsi en priorité du financement par les collectivités. (...)
Un sale « coût » environnemental
L’organisation des JOP confirme la poursuite d’une stratégie obsolète et dépassée : le « tout ski ». Les coûts qu’une stratégie engendrent et continueront d’engendrer manqueront cruellement au financement de la « transition écologique » (...)
Les infrastructures nécessaires pour assurer un enneigement artificiel nécessitera par ailleurs la captation de grandes quantités d’eaux. Celles-ci ne pourront plus provenir de la fonte de neige et seront prélevées sur des sources et des cours d’eau, au détriment des populations, de certaines activités économiques et de l’agriculture. (...)
L’enjeu de l’eau est une question d’autant plus majeure qu’avec la baisse de l’enneigement, le stock d’eau diminue. Prélever davantage d’eau est donc particulièrement risqué, non seulement pour le volume d’eau global disponible, mais également pour le cycle de l’eau. Cela ne peut qu’avoir des conséquences sur les milieux naturels. (...)
Outre le saccage des paysages, ce développement met un peu plus en danger la biodiversité, les écosystèmes et le milieu fragile qu’est la montagne. Les projets visant à développer de lourdes infrastructures sur le Glacier de la Girose pour relier le domaine skiable des Deux Alpes à La Grave ou entre Val d’Isère et Bonneval-sur-Arc, qui empiéterait sur le Parc national de la Vanoise, sont révélateurs de cette fuite en avant vers le gigantisme.
Pour les JOP 2030, se pose aussi la question de l’acheminement, avec le développement d’infrastructures coûteuses (routes et aéroports) dans un environnement déjà contraint et fragile. (...)
Un « sale coût » social
Dans un tel contexte et face à de telles évolutions, renforcer la stratégie du « tout ski » prépare également un très sérieux « retour de bâton » sur le terrain social.
Les JOP 2030 vont rendre plus compliqué l’accès au foncier des habitant·es de la montagne et ce, alors que les régions alpines sont déjà concernées par la spéculation immobilière. (...)
Le réchauffement va progressivement restreindre au profit d’une minorité très aisée puis rendre impossible la pratique du ski. Les populations locales proches des grandes stations pourront espérer pendant quelques années bénéficier des retombées économiques provenant d’une clientèle aisée voire fortunée. Mais pour la majorité des stations, la stratégie du « tout ski » sera rapidement synonyme de graves difficultés, voire de véritables « faillites » que les contribuables, exclus de la pratique du ski pour leur grande majorité, devront finir par payer. Et ce, alors qu’il existe des besoins sociaux qui pâtissent d’un manque de moyens.
Les tensions dans certaines d’entre elles sont révélatrices des intérêts contradictoires mais aussi, et surtout, de l’absence de politique publique favorisant une véritable réorientation (...)
Un « sale coût » démocratique
La décision de candidater à l’organisation des JOP d’hiver de 2030 a été préparée et prise en petit comité. La population n’a pas été consultée alors que la Convention d’Aarhus signée le 25 juin 1998 par trente-neuf États, prévoit notamment que « L’accès à l’information sur l’environnement détenue par les autorités publiques et la participation du public au processus décisionnel ayant des incidences sur l’environnement ». Cette obligation n’a pas été respectée alors qu’un tel projet portera nécessairement atteinte à l’environnement. Dans ses courriers des 24 mai 2024, 19 juin 2024 et 18 octobre 2024, la Commission nationale du débat public a d’ailleurs confirmé ne pas avoir été saisie par les maîtres d’ouvrage.
Cette décision d’organiser ces jeux a en réalité été préparée par Laurent Wauquiez (alors président de la région Auvergne-Rhône-Alpes) et Renaud Muselier (président de la région Provence Alpes Côte d’Azur) avec l’entente complice de l’ancien Premier Ministre, Michel Barnier. (...)
. Les populations alpines, comme la population en général et ses représentant·es, les parlementaires, n’ont donc pas été consultées.
Que faire ?
Pour l’association Attac, tout plaide pour ne pas organiser ces JOP. Priorité doit être donnée à organiser une reconversion des stations qui prenne en compte l’évolution du climat et qui permette aux économies locales de vivre sur place dans de bonnes conditions. (...)