
Deux recherches publiées en 2016 et 2019 par l’infectiologue français Didier Raoult ont été retirées des archives de la revue qui les avait publiées, à la suite d’une enquête interne déclenchée il y a deux ans pour des entorses à l’éthique.
(...) « les auteurs n’ont pas été capables de fournir de la documentation sur les approbations appropriées des comités d’éthique du Niger ou du Sénégal ».
Autrement dit, des études sur la composition du microbiome intestinal d’enfants dans ces deux pays ont été faites sans que les comités d’éthique locaux n’en aient été avisés, ou du moins sans qu’on puisse fournir la preuve qu’ils étaient au courant. Ce problème avait été signalé pour la première fois sur le forum spécialisé PubPeer en mars 2021 et les chercheurs ont été, depuis, incapables de fournir la documentation demandée. (...)
Cette même année 2021, les soupçons se sont accumulés autour de plusieurs autres études co-signées dans la dernière décennie par Raoult ou ses collègues de l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) de Marseille : des plaintes émanant autant de gens de l’extérieur, comme la microbiologiste californienne Elizabeth Bik —qui, dès avant la pandémie, s’était fait connaître pour sa traque des manquements à l’intégrité en science— que de gens de l’intérieur de l’IHU —salariés et anciens salariés. Ces derniers ont évoqué, au fil des enquêtes des autorités françaises, des manquements à l’éthique ou des cas de « falsification de données ». En tout, ce sont maintenant des centaines d’études cliniques qui font l’objet de vérifications ou de demandes de clarifications. (...)
, en juin 2023, Didier Raoult et ses co-auteurs acceptaient eux-mêmes de rétracter une étude pré-publiée deux mois plus tôt. Ils annonçaient cette décision quelques jours après que cette étude ait été dénoncée par 16 associations de médecins. Ceux-ci y reprochaient aux auteurs et à l’IHU « la prescription systématique », aux patients atteints de COVID, de médicaments comme l’hydroxychloroquine ou l’ivermectine, « sans bases pharmacologiques solides et en l’absence de toute preuve d’efficacité », et ce pendant plus d’un an.
Un auteur anormalement prolifique
En décembre 2022, l’éditeur PLOS (Public Library of Science) avait apposé sur 49 études de l’IHU parues entre 2010 et 2020, un avertissement appelé en anglais « expression of concern » : il s’agit souvent de la dernière étape avant une rétractation complète. On signale de cette façon au lecteur que cette étude fait pour l’instant l’objet de doutes, tout en laissant la chance aux auteurs d’apporter des explications. Dans ce cas-ci, il s’agit largement de doutes entourant les accrocs à l’éthique, par exemple dans une étude portant sur des sans-abris à Marseille. (...)
Mise à jour 4 janvier 2024 : la Société américaine de microbiologie a annoncé aujourd’hui la rétractation de 7 articles de ses deux journaux, tous co-signés par Didier Raoult (pour six d’entre eux) et d’autres auteurs de l’IHU de Marseille (pour les sept).