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La vie des idées
Les quatre mondes de l’État régulateur européen
#UE
Article mis en ligne le 13 février 2024
dernière modification le 8 février 2024

L’Europe du marché domine le gouvernement des politiques économiques et sociales depuis 1945. Trois autres modèles, solidaire, néomercantiliste, et ultra-libéral, s’opposent à la logique libérale.

Plus de soixante-dix après la signature du traité de Paris en 1951 établissant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), il est toujours aussi difficile de définir l’Union européenne (UE). D’où vient le caractère protéiforme du gouvernement de l’UE, souvent qualifié de « multi-niveaux » et à « géométrie variable » ? Quels ont été les principaux déterminants politiques qui ont façonné cette architecture politico-institutionnelle transnationale depuis 1945 ?

Ces questions sont au cœur de l’ouvrage de Laurent Warlouzet, Europe contre Europe. Entre liberté, solidarité et puissance depuis 1945. Professeur des universités en histoire contemporaine à Sorbonne Université, l’auteur est titulaire de la chaire d’histoire de l’Europe XXe-XXIe siècles et a publié plus d’une centaine de textes académiques. Dans l’ouvrage cité, il entreprend une histoire de « l’organisation du continent européen » (p. 7) en portant son regard sur les politiques économiques et sociales. (...)

La domination de « l’Europe du marché » aux XXe et XXIe siècles

Au fil des pages, Warlouzet révèle trois variables explicatives de la manière dont les politiques économiques et sociales ont été élaborées puis mises en œuvre à l’échelle européenne.

Premièrement, la genèse des Communautés européennes dans les années 1950 ne résulte pas de la « main » de l’impérialisme américain dont les institutions européennes ne seraient que le jouet au profit d’intérêts étrangers. En outre, les acteurs européens ayant défendu un idéal fédéraliste et généralement qualifiés de « pères fondateurs » de l’Europe n’ont pas eu le rôle déterminant que le sens commun leur confère. Le gouvernement des politiques européennes et sociales en Europe résulte davantage de « compromis entre des visions différentes de l’organisation » (p. 8) : une histoire de préférences politiques multiples entre acteurs européens.

Deuxièmement, il « n’était pas gravé dans le marbre » (p. 9) que l’organisation politique du continent soit structurée autour et par les Communautés européennes puis l’UE. Les intérêts antagonistes portés par des acteurs hétérogènes auraient pu aboutir à ce que d’autres organisations internationales telles que le Conseil de l’Europe, la Commission économique pour l’Europe de l’ONU, le Bureau international du travail (BIT) ou le Fonds monétaire international (FMI) deviennent les piliers institutionnels du gouvernement européen des politiques économiques et sociales (p. 9 ; voir aussi, p. 442).

Troisièmement, « l’Europe du marché » n’est pas la seule logique d’action qui a structuré la fabrique des politiques économiques et sociales par « l’Europe » définie comme l’ensemble des institutions de l’UE et de ses États membres. Au contraire, et c’est la thèse du livre, le gouvernement européen procède de « l’affrontement et de l’hybridation entre différents projets économiques et sociaux » (p. 435). Plus précisément, l’organisation politique du marché en Europe est le produit « d’une combinaison de trois logiques économiques : libérale, sociale et néomercantiliste, correspondant aux trois projets d’Europe, du marché, de la solidarité et de la puissance » (p. 8). L’auteur complète ce triptyque par une quatrième catégorie d’analyse du rapport de l’Europe au marché, qualifiée d’approche « ultralibérale » (...)