Selon l’Unesco, 45 % des langues ont disparu entre le temps de la colonisation et le XXe siècle. Un « génocide » qui se poursuit chaque jour. Or « les langues sont des œuvres, un patrimoine » fondamental à préserver, rappelle Rozenn Milin, historienne, directrice du programme Sorosoro (1) pour la sauvegarde des langues en danger dans le monde.
Pourquoi la diversité linguistique est-elle importante tant pour l’individu que pour la collectivité ?
La diversité est nécessaire à l’être humain. Imaginons que tout le monde parle une seule et même langue, mange pareil, s’habille pareil, pense de la même façon, n’ait plus qu’un seul horizon culturel, cela s’appelle du totalitarisme. La diversité des langues est un rempart contre la barbarie. Comme le dit Barbara Cassin, de l’Académie française, « nous barbarisons quand nous refusons ce qui constitue l’autre comme autre ». (...)
Depuis toujours, les langues naissent, vivent et meurent, mais leur disparition s’est accélérée. Qu’est-ce qui a causé ce phénomène ?
En premier lieu, la colonisation, en particulier dans le continent américain, où, lors de la conquête, il y a eu des massacres de populations à grande échelle. (...)
Ensuite, au XIXe siècle, les États-nations dans leur majorité ont imposé une langue unique officielle comme ciment d’unité. Langues maternelles et autochtones ont été éradiquées. En France, où une très grande partie de la population ne parlait pas français, il était interdit de parler une autre langue sous peine d’être puni. Enfin, les migrations, les exodes, les déplacements de populations pour diverses raisons ont causé ce phénomène. (...)
Selon l’Unesco, la moitié des 6 700 langues parlées dans le monde pourraient disparaître d’ici la fin du XXIe siècle. Que perd-on lorsqu’une langue disparaît ?
Une langue porte une vision du monde, une culture, une histoire, une cosmogonie, bref, toute la mémoire des peuples. Elle véhicule des connaissances : faune, flore, pharmacopée, etc. La disparition d’une langue n’est pas seulement une perte pour ses locuteurs, mais aussi pour notre connaissance humaine commune. La phrase du linguiste Michel Launey, « une langue vaut bien une cathédrale », résume bien l’enjeu. (...)
Tout ce qui peut aller dans le sens de la promotion des langues est fondamental. Car, quand on écoute les autres, on est prêt à les entendre et à les comprendre.