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Les enfants-loups, oubliés de la Seconde Guerre mondiale
#enfance
Article mis en ligne le 17 mai 2024
dernière modification le 10 mai 2024

En Prusse orientale, de nombreux enfants ont dû gravir des montagnes pour survivre au lendemain de ce conflit dévastateur qui leur a tout enlevé.

Dans le sillage de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux enfants ne pouvaient plus compter sur leurs parents absents pour les aider à affronter les retombées du conflit. C’était par exemple le cas en Prusse orientale où beaucoup d’enfants furent séparés de leur famille dans les dernières heures de la guerre. Souvent comparés à des loups affamés, bon nombre d’entre eux vivaient en marge du reste de l’humanité, condamnés à une vie d’errance dans des forêts hostiles. Plus tard, on leur donna le nom d’enfants-loups. (...)

Dr Michelle Mouton est professeure d’histoire à l’université du Wisconsin. Lorsqu’elle décrit la prise de décision géopolitique à la fin de la Seconde Guerre mondiale, elle évoque un communiqué émis en 1944 par le Labor Party britannique. Les travaillistes y présentent leur point de vue sur l’avenir, notamment sur la « haine envers les Allemands qui surgira au début de l’après-guerre dans les pays occupés » et sur la réaction des Allemands qui devront, selon le rapport, choisir entre « migration et massacre. » D’après Mouton, « les Alliés ne voulaient pas de massacre, ils ont donc accepté la migration, » du moins officiellement.

Le chaos généré par les expulsions à la fois officielles et officieuses des Allemands a compliqué la tâche aux familles qui souhaitaient se réunir et a eu un impact violent sur les destins des enfants de Prusse orientale. Certains d’entre eux furent confiés à des maisons d’accueil soviétiques, d’autres prirent la fuite pour rejoindre la Lituanie ou l’Allemagne, un pays récemment divisé. Dans de nombreux cas, ce qu’il restait d’enfance ou d’adolescence à ces laissés-pour-compte allait être marqué par les pressions subies à leur arrivée dans un environnement inconnu et bien souvent inhospitalier. (...)

La plupart des enfants-loups allemands arrivés en Lituanie partagent des histoires de vie similaires dans lesquelles leur langue, leur famille et leur foyer, ces éléments essentiels à la formation d’une identité, leur furent arrachés à un âge où ils étaient encore très influençables. Leur seule compensation fut une vie de travail acharné, dans des conditions difficiles et bien souvent avec une éducation minimale, contraints à vivre dans l’ombre. La moindre assistance qu’ils recevaient de leurs voisins lituaniens pouvait brutalement prendre fin, à tout moment. (...)

la montée en puissance de l’activisme chez les étudiants couplée à l’assouplissement du contrôle exercé par l’État sur la mémoire a donné l’occasion au plus grand nombre de diffuser à travers l’Europe de nouveaux paradigmes du souvenir. Et ce, plus particulièrement en Allemagne de l’Ouest où l’idée dominante voulait que parler en détails des malheurs subis par l’Allemagne après la guerre revenait à minimiser les actions du régime nazi et à établir de fausses équivalences de souffrance. Dans un tel contexte, les débats sur les enfants-loups se cantonnaient bien souvent aux propos des révisionnistes d’extrême droite dans lesquels les enfants étaient utilisés comme de simples pions permettant de justifier le nazisme et de mettre en avant le fait que l’Allemagne aussi avait gravement souffert de la Seconde Guerre mondiale.

Comme le fait remarquer Wüstenberg, la chute du mur de Berlin en 1989 et l’effondrement successif de l’Union soviétique ont permis aux communautés de renouer avec leur passé de façon plus ouverte et démonstrative étant donné l’apparition d’une plus grande liberté de communication. Kreibig vient d’ailleurs corroborer cette histoire et assure qu’aujourd’hui, dans son Allemagne natale, les histoires des enfants de Prusse orientale sont mieux connues.

Le traumatisme de la guerre est un sentiment qui s’installe profondément dans les sociétés et transcende les générations mais comme pour tout héritage douloureux, il devient au fil du temps possible de le confronter aux pans effacés de l’Histoire. (...)