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Reporterre
Les écrans publicitaires dans les gares vont proliférer en 2025
#publicites #SNCF
Article mis en ligne le 24 janvier 2025
dernière modification le 22 janvier 2025

Le nombre d’écrans dans les gares va augmenter de 48 % en 2025, révèle Reporterre. Cette explosion de la publicité est imposée alors qu’une majorité des Français sondés la rejette et qu’elle accroît la gabegie écologique.

La décision n’a fait l’objet d’aucune publicité, bien qu’elle modifie l’environnement direct de millions d’usagers : depuis quelques mois, l’installation d’écrans publicitaires dans les gares connaît une accélération exponentielle. Leur nombre va grimper de 48 % en 2025, en à peine un an, dans les gares du réseau SNCF et des métros parisien, marseillais, lillois et rennais, d’après les chiffres déterrés par Reporterre dans la documentation de la régie publicitaire Mediatransports. Ce partenaire des compagnies de transport en commun disposera à la fin de l’année d’un parc de 4 300 écrans publicitaires dans les gares de France.

La tendance est similaire du côté de l’autre géant de l’affichage, JCDecaux, qui déploie ses publicités dans les vitrines des magasins, les centres commerciaux, les aéroports ou les rues de certaines villes. Le chiffre d’affaires généré par celles-ci a grimpé de 18,5 % sur le seul troisième trimestre 2024. Au total, l’afficheur dispose à ce jour de 2 500 panneaux numériques.

Cette accélération résulte d’un choix, discret mais résolu, des compagnies de transport en commun. Les écrans permettent d’augmenter le nombre d’annonceurs, grâce à une rotation des spots toutes les 6 secondes. Ils sont pilotés à distance en quelques clics, ce qui permet aux marques de choisir la tranche horaire de diffusion de leur spot, ainsi que des éléments de contexte comme les conditions météorologiques. Une manière de s’assurer qu’elles s’adressent au profil de voyageur qui les intéresse.

Cette « révolution » du ciblage marketing dans l’espace public est facturée aux marques à un prix plus élevé que les campagnes d’affichage papier. Les régies et les compagnies engrangent donc des recettes publicitaires supplémentaires. (...)

Dans les gares, « ils imposent leurs propres règles » (...)

selon l’Ademe, la fabrication d’un panneau nécessite un total de 8 tonnes de matière première. « 40 % de l’empreinte environnementale d’un écran est liée à sa fabrication, insiste Florence Rodhain, professeur d’université et autrice d’un livre sur l’effet écologique du numérique. Elle nécessite des terres rares qui sont exploitées principalement en Chine, sans respect des travailleurs et des ressources. »
Un « score d’attention » multiplié par 3

La diffusion de ces écrans dans l’espace public présente également un risque de surcharge cognitive pour les usagers. Les chiffres sur les « scores d’attention » des publicités numériques, communiqués par Mediatransports, ont de quoi alimenter le débat : une campagne intégrant des écrans « peut multiplier par 3,1 la durée d’attention », tout en augmentant les intentions d’achat de 14 %, se vante la régie, qui estime toucher quotidiennement 8,5 millions d’individus de 15 ans et plus.

« Une étude utilisant la méthode “eye-tracking”, qui enregistre le déplacement et l’intensité du regard, a permis d’observer qu’un écran numérique est 4,5 fois plus regardé que sa part d’espace dans l’environnement », vante aussi Mediatransports. Cela tient au fonctionnement de notre cerveau, souligne Florence Rodhain : « Nous recevons un choc de dopamine quand nous percevons une information qui peut nous être utile. C’est un instinct, notre cerveau est fait pour être attiré par des images en mouvement. C’est ce qui fait que nous ne pouvons pas ignorer ces écrans. » (...)

L’autre débat, plus politique, est celui des incitations incessantes à la surconsommation véhiculées par ces écrans. Amazon est le premier annonceur de Mediatransports au premier trimestre 2024. Heineken partage le podium sur l’ensemble de l’année 2023… Une certaine vision du monde à laquelle il devient difficile de se soustraire avec les écrans urbains, contrairement aux publicités diffusées à la télé ou la radio.

« Cette situation illustre un mépris flagrant pour les usagers et pour les impératifs écologiques. Elles transforment les gares en des centres commerciaux où l’intérêt général est sacrifié au profit de logiques purement mercantiles », dénonçait la députée insoumise Clémence Guetté en décembre à l’Assemblée nationale. Elle prenait ainsi la suite de plusieurs initiatives des députés de gauche, de François Ruffin à Delphine Batho, visant à interdire ces écrans publicitaires. Leurs tentatives sont demeurées infructueuses.

Rien n’empêche donc que la pression publicitaire continue de s’accroître dans l’espace public, souligne un connaisseur du secteur, qui veut rester anonyme (...)