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Mediapart
Les causes du covid long commencent à se dévoiler
#santé #Covidlong
Article mis en ligne le 28 mai 2024
dernière modification le 19 mai 2024

Les études sur la persistance de symptômes après une infection au Sars-CoV-2 livrent enfin des pistes d’explications. À la clé : des traitements plus adaptés pour les nombreuses personnes touchées, et une meilleure compréhension des nombreuses maladies post-infectieuses.

(...) L’ampleur de la pandémie de Sars-CoV-2 aura eu au moins un mérite : celui de rendre visible le fait qu’une infection virale dite « résolue » peut perturber durablement les organismes. Autrement dit, ce n’est pas parce que l’on récupère d’une infection ou qu’on ne trouve plus de virus que les problèmes s’arrêtent.

Parfois, des symptômes peuvent persister durant des mois, même des années. Bien qu’aucun consensus n’existe encore sur les mécanismes biologiques sous-jacents, les études se multiplient et commencent enfin à lever une partie du mystère qui entoure les syndromes post-infectieux. (...)

dès la fin 2020, 10 % des patient·es infecté·es depuis plus de trois mois décrivaient déjà des symptômes persistants. Aujourd’hui, la prévalence exacte du covid long reste débattue, d’autant plus qu’aucune définition consensuelle de ce syndrome n’existe.
Les cachettes du virus

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) le définit comme une persistance de symptômes durant au moins deux mois chez les personnes présentant un antécédent d’infection au covid. Alors qu’en France, les autorités ont retenu une période de quatre semaines après un épisode symptomatique. En fonction des études et des définitions, l’incidence du covid long se situe ainsi entre 5 % et 30 % des cas non hospitalisés et entre 50 % et 70 % des cas hospitalisés.

Fatigue, brouillard cérébral, palpitations, troubles digestifs… Ce qui caractérise ce syndrome, c’est qu’il concerne un nombre impressionnant d’organes. On recense pas moins de deux cents symptômes différents, de sévérités variables selon les cas et qui fluctuent au cours du temps. Cette diversité reflète celle observée durant les phases aiguës de la maladie, et pointe vers des mécanismes biologiques multiples, qui peuvent se chevaucher ou s’additionner. Voilà qui laisse peu d’espoir de trouver une réponse unique qui convienne à tout le monde. (...)

L’une des hypothèses qui commence à se consolider au fil des publications consiste à relier ces symptômes à une persistance du virus dans certains tissus. (...)

La chercheuse l’a récemment démontré sur des macaques. (...) Les animaux chez qui les quantités de virus étaient les plus importantes présentaient une inhibition des lymphocytes NK (Natural Killer en anglais), qui représentent avec les macrophages la première ligne de défense immunitaire, chargés notamment de tuer les cellules infectées par les virus.

Selon l’endroit où se trouvent les réservoirs viraux, les symptômes pourraient être différents. (...)

Conséquences en cascade

Toutefois, « s’il est clair que le virus peut persister, il n’est pas encore robustement établi que sa persistance soit la cause du covid long », insiste Lisa Chakrabarti. Le pathogène pourrait en effet agir de manière indirecte. Même après sa disparition, des événements en cascade suffisent pour perturber durablement les organismes.

Premier mécanisme proposé : les symptômes persistants pourraient être une conséquence des dégâts qui ont eu lieu durant l’infection aiguë. (...)

Autre découverte : ce virus n’agit pas nécessairement comme un tueur cellulaire forcené. Il peut infecter une cellule sans la détruire, et la dérégler de l’intérieur. (...)

L’immunité chamboulée

Autre mécanisme envisagé : le covid long pourrait être lié à une perturbation à long terme de notre immunité. (...)

Enfin, il existe aussi une hypothèse dite épigénétique : un épisode d’infection pourrait entraîner une altération non pas de notre ADN mais des marqueurs qui permettent sa lecture. (...)

« Quand on aura vraiment compris les causes du covid long, nous aurons enfin des outils diagnostiques et des traitements spécifiques. Pour l’heure, notre stratégie consiste à traiter les différents symptômes, ce qui ne guérit certes pas les patients, mais les soulage », résume l’infectiologue Dominique Salmon-Ceron, qui participe au sein de la Haute Autorité de santé à l’élaboration des recommandations de prise en charge des patient·es. (...)

Cette spécialiste française du covid long attend beaucoup des essais cliniques en cours sur de nouveaux antiviraux, spécifiquement dirigés contre le virus. Ils permettraient de débarrasser les patient·es de ces potentiels réservoirs viraux. « En France, aucun essai de ce type n’est financé », regrette-t-elle, avant de souligner une autre tendance typiquement française : celle de la psychiatrisation de ces symptômes, en particulier au début de la pandémie. « Les patients en ont beaucoup souffert… », note-t-elle. (...)

Il s’agit donc désormais de transformer ce lourd fardeau du covid long en opportunité, pour progresser sur la compréhension et la prise en charge des maladies post-infectieuses persistantes. « Il reste encore du chemin… », concède Dominique Salmon-Ceron.