
En vingt points, le président des États-Unis promet de mettre fin à la guerre à Gaza, sans calendrier de retrait israélien et avec une gestion sous tutelle étrangère de l’enclave palestinienne. Il a reçu le soutien du premier ministre Benyamin Nétanyahou.
lIl fallait quelques concessions israéliennes, au moins pour la forme. Lundi 29 septembre, le président des États-Unis, Donald Trump, a fait pression sur le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, pour qu’il présente ses excuses au Qatar après les bombardements israéliens à Doha, le 9 septembre.
Le locataire de la Maison-Blanche a aussi plaidé pour que l’aide humanitaire dans la bande de Gaza soit gérée par des acteurs extérieurs, dont l’ONU – exit donc, a priori, la Fondation humanitaire pour Gaza, instrument qui a démantelé le système d’aide classique, organisant un chaos mortel dans lequel plus de 2 000 Palestinien·nes ont été tué·es à proximité des centres de distribution.
Enfin, officiellement, l’armée israélienne devrait se retirer de l’enclave palestinienne. « Israël n’occupera ni n’annexera Gaza », spécifie le document, contrant les velléités de l’extrême droite israélienne. (...)
Pour le reste, la feuille de route unilatérale de Donald Trump pour « une paix éternelle » au Moyen-Orient, selon ses mots, reste suffisamment floue pour qu’Israël garde les coudées franches. Dans la salle, aucun responsable palestinien n’a été convié : le destin des Palestiniens se décide sans eux. Aucune mention n’a été faite de la Cisjordanie. (...)
Il est également prévu la démilitarisation de Gaza, avec le déploiement d’une « force internationale de stabilisation » qui entraînera les forces de police palestiniennes. Le Hamas – il s’y était déjà engagé – ne jouera aucun rôle dans la transition. Une fois les otages libérés, le plan prévoit une amnistie pour les membres du mouvement islamiste palestinien qui « s’engagent à une coexistence pacifique et démantèlent leurs armements » et une exfiltration de ceux qui le souhaiteront vers des pays hôtes. En revanche, le calendrier de retrait de l’armée israélienne n’est pas fixé. Israël conserverait le contrôle des frontières terrestres, aériennes et maritimes de l’enclave.
Mais surtout, la transition politique échappe en grande partie aux Palestinien·nes. Donald Trump a imaginé confier la gouvernance du territoire à des « experts hautement qualifiés », palestiniens – des technocrates dont aucun nom n’a pour l’instant filtré. Ils seront placés sous tutelle d’un « conseil de la paix », présidé par Trump lui-même et dans lequel siègerait l’ancien premier ministre britannique Tony Blair.
Un piège pour le Hamas
Le Hamas a indiqué mardi 30 septembre avoir reçu la proposition, et certains de ses lieutenants ont souligné que leur mouvement n’avait pas été associé aux discussions. Donald Trump leur a donné « trois ou quatre jours » pour y répondre. Sur la chaîne qatarie Al Jazeera, Mahmoud Mardawi, un responsable du Hamas, a dénoncé un plan aux conditions « vagues et sans garanties », dont les termes sont « proches de la position israélienne ».
Le mouvement islamiste paraît acculé : s’il refuse, Israël tentera de lui faire endosser la responsabilité de la poursuite du génocide. S’il accepte, il signe son acte de disparition mais aussi la mise sous tutelle du destin des Palestinien·nes. Par ailleurs, le plan paraît conçu pour réhabiliter Israël, au moment où ses alliés européens paraissent tiraillés dans leur soutien quasi inconditionnel alors que le génocide continue à Gaza. (...)
Benyamin Nétanyahou a d’ailleurs rapidement imposé ses conditions. Dans une vidéo publiée sur sa chaîne Telegram, le premier ministre israélien a fait savoir que son armée « restera sur la plupart du territoire » de la bande de Gaza. Israël n’a « absolument pas » donné son accord à un État palestinien, a-t-il ajouté, alors que la transition envisagée par le plan Trump est censée déboucher, à terme, sur un contrôle de l’enclave palestinienne par l’Autorité palestinienne, « une fois son programme de réformes achevé ». Benyamin Nétanyahou continue sur sa ligne « ni Hamas ni Fatah » pour gouverner Gaza.
Le plan Trump a cependant deux mérites : il exclut tout nettoyage ethnique à Gaza et mettrait fin à la campagne meurtrière israélienne, qui a déjà tué plus de 66 000 Palestinien·nes en près de deux ans, tout en organisant le retour d’une aide humanitaire vitale pour les Gazaoui·es. (...)
Ces dernières semaines, Israël a lancé une offensive d’une brutalité inouïe sur la ville de Gaza, la plus importante des territoires palestiniens, organisant méticuleusement sa destruction et poussant dans le chaos des centaines de milliers de civils vers le sud. Pour eux comme pour l’ensemble des Gazaoui·es, l’urgence éclipse les nombreuses défaillances de ce projet américano-israélien, qui ne laisse aucune place à une autodétermination palestinienne : il faut stopper les massacres.
La Riviera de Trump et de Blair
Des pays arabes, dont l’Égypte, la Jordanie et le Qatar, ainsi que la Turquie, le Pakistan et l’Indonésie, ont accueilli avec enthousiasme les annonces du président Trump dans une déclaration commune. L’Autorité palestinienne, largement désavouée au sein de la population palestinienne, a salué les « efforts sincères et déterminés » du président états-unien dans un communiqué. À contre-courant, Abbas Zaki, membre du comité central du Fatah, le parti du président palestinien, y a vu un « acte de capitulation » imposé aux Palestinien·nes sans leur consentement.
« L’accord est miné, a déploré Mustafa Barghouti, fondateur et dirigeant de l’Initiative nationale palestinienne dans une interview à la chaîne Skynews. Il n’y a pas de plan clair pour un retrait israélien de Gaza. On parle d’étapes… Et Nétanyahou a tenu à préciser que le retrait serait lent. C’est la recette pour une catastrophe. » « Deuxièmement, Israël pourrait réactiver la guerre » à tout moment, a-t-il poursuivi, puisque aucune garantie n’a été demandée à Benyamin Nétanyahou.
Mustafa Barghouti, un vétéran de la politique palestinienne, a condamné la nomination de Tony Blair pour accompagner une transition à Gaza : l’ancien premier ministre britannique, « obéissant envers la partie israélienne », dit-il, est « décrit par ses propres collègues comme un criminel de guerre » après qu’il a menti pour embarquer son pays dans l’invasion de l’Irak en 2003. (...)
Le symbole est aussi lourd de sens : la Grande-Bretagne est l’ancienne puissance coloniale en Palestine. En outre, le quotidien britannique The Guardian avait révélé en juillet que Tony Blair avait participé, via sa fondation, à une stratégie de développement de la Riviera du Moyen-Orient à Gaza avec un groupe de conseil en stratégie et des hommes d’affaires israéliens.
Dans son plan, l’ex-entrepreneur Trump n’a d’ailleurs pas tout à fait abandonné cette idée d’un îlot de prospérité à Gaza. Au point onze, il y a imaginé une zone franche. Et au point précédent, il promet un « plan Trump de développement économique pour reconstruire et dynamiser Gaza ». Le 1er mars 2025, l’ONU estimait qu’il y avait quelque 51 millions de tonnes de gravats dans l’enclave. C’était bien avant la reprise des bombardements israéliens et la destruction avancée de la ville de Gaza.
Amnesty International
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