
Des anciens compagnons d’Emmaüs Déols dans l’Indre ont dénoncé auprès de la justice le racisme et les violences sexuelles dont ils auraient été victimes au sein de la communauté. Le responsable mis en cause est maintenu à son poste.
(...) Le Camerounais de 36 ans a déjà connu bien d’autres épreuves. En 2015, il a été contraint de fuir son pays d’origine avec son épouse Owana (1), à la suite d’une attaque meurtrière de Boko Haram. Après avoir traversé la Méditerranée en zodiac, le couple demande l’asile à la France et débarque à Châteauroux où il s’installe avec leur nouveau-né. Mais en 2017, le statut de réfugié leur est refusé. Denis cherche alors à rejoindre la communauté dans laquelle il espère pouvoir être hébergé avec sa famille. Alex G., le directeur, aurait accepté de les accueillir mais sous certaines conditions :
« J’ai d’abord travaillé pendant plus d’un an comme bénévole à temps plein pour prouver ma motivation puis Alex a accepté de m’héberger avec ma femme et mon fils. »
Très vite, Denis et Owana se sentent pris au piège. Le responsable aurait recruté tout au long de sa carrière une majorité de compagnons géorgiens, sa nationalité d’origine, qui le soutient. Les compagnons noirs seraient quant à eux exploités et humiliés quotidiennement. Neuf personnes témoignent à StreetPress de ce climat discriminatoire. (...)
« Racisme et aryanisme slave font bon ménage à Emmaüs Déols. »
Dès leur arrivée dans la communauté, Denis et Owana disent avoir subi « des discriminations, des insultes racistes, des violences psychiques et sexuelles ». Ils prennent la décision de fuir en juin 2020 avant de porter plainte auprès du procureur de la République contre Alex G.. La famille a depuis quitté la région et tente de se reconstruire :
« Si nous ne nous sommes pas barrés plus tôt, c’est seulement par ce que nous n’avions nulle part où aller. »
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« Traités de singes, de macaques, de sous-hommes »
« Les Africains du Nord ou subsahariens et des Colombiens noirs de peau sont régulièrement traités de singes, de macaques, de sous-hommes par les fidèles du responsable » (2), témoigne Mathilde, qui a été présidente d’Emmaüs Indre pendant deux ans et est indignée par la situation locale et la posture autoritaire d’Alex G. Des propos confirmés par Denis dans son dépôt de plainte (...)
« Alex m’a mis dehors en m’accusant de voler des marchandises, juste avant que j’atteigne mes trois ans dans la communauté et que je puisse me régulariser. J’étais un élément gênant car je savais m’exprimer et j’avais été témoin de ses agissements. » (...)
Assia (1), une compagne marocaine de 38 ans, évoque aussi « des avances » qu’elle aurait reçues de la part du responsable, Alex G. « Il m’a demandé deux fois si je voulais faire l’amour avec lui. Son comportement a changé quand j’ai refusé, il est devenu méchant », affirme-t-elle. Alex G. lui aurait, affirme-t-elle, imposé de faire le ménage tout au long de ses quatre années de présence dans la communauté, malgré ses demandes de changement de poste. (...) Malgré sa grossesse, elle aurait été obligée d’effectuer des corvées sous menace d’être expulsée ou sanctionnée. (...)
Le « double jeu » d’Emmaüs France (...)
Ils se sont déplacés un mois plus tard dans la communauté, pour conclure que tout allait bien. Ils jouent un double jeu », estime une ancienne responsable de Emmaüs Indre. Elle regrette que l’association employeur ACE (Association des communautés Emmaüs), qui fait partie de la fédération, ait décidé de maintenir en poste Alex G. malgré les signalements. La fédération promet :
« Ces rencontres successives ont abouti à la décision de lancer un audit à la Communauté, qui débutera dans les tous prochains jours. »