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Mediapart
La sinistre clarification d’Emmanuel Macron
#Macron #NFP #extremedroite #MEDEF
Article mis en ligne le 30 août 2024
dernière modification le 28 août 2024

En refusant de nommer Lucie Castets à Matignon, le président a confirmé que, pour lui, l’espace démocratique est désormais soumis aux exigences du capital. Rien d’important ne saurait changer dans le domaine économique. Du pain bénit pour l’extrême droite

Le refus de nommer Lucie Castets, la candidate du NFP, à Matignon a beau se cacher sous les atours de la « stabilité institutionnelle », le premier ministre par intérim Gabriel Attal, par ailleurs chef du groupe présidentiel à l’Assemblée (un double rôle qui en dit long sur le respect de ce camp pour ces mêmes institutions), a précisé les conditions de ce refus : c’est évidemment le programme économique du NFP qui, selon lui, conduirait « à un effondrement économique de notre pays ». En cela, il partage l’idée avancée lundi par Marine Le Pen qu’un gouvernement NFP « mènerait une politique dangereuse pour les Français ».

Les limites à la démocratie

Hasard du calendrier, ce même 26 août, le président du mouvement des entreprises de France (Medef), Patrick Martin, a, dans le discours d’ouverture de son université d’été à l’hippodrome de Longchamp, confirmé ce même cadre en refusant le programme du NFP qui, selon lui, « se paiera cash » par « le déclassement » de la France.

D’ailleurs, Patrick Martin est allé plus loin en demandant la poursuite des « politiques pro-business » menées par les gouvernements depuis au moins 2017. Il a d’ailleurs salué chaleureusement son « cher ami » Bruno Le Maire, locataire démissionnaire de Bercy, pour avoir été un « artisan déterminant et déterminé » de ces politiques.

Et pour enfoncer le clou, le matin même sur France Inter, Patrick Martin a même prétendu que les élections législatives n’avaient pas « sanctionné la politique économique du gouvernement actuel ». Cette offensive du Medef est une clarification importante par son alignement sur la stratégie menée à l’Élysée. Elle confirme un fait trop souvent sous-estimé à gauche : la seule boussole qui détermine les choix d’Emmanuel Macron, c’est la préservation de l’ordre économique. (...)

La formation du gouvernement est donc soumise à d’autres forces que celles de la logique majoritaire ou constitutionnelle, elle est soumise à ce cadre rigide d’un autre gouvernement, celui du capital.

La preuve la plus éclatante de cette réalité est que le programme du NFP est lui-même issu d’un compromis. Il est, rappelons-le, particulièrement modéré en économie. Il propose une option keynésienne qui prend acte de l’échec des fameuses politiques pro-business et de leurs conséquences néfastes. Mais ce n’est pas un programme anticapitaliste : les entreprises restent le cœur de l’organisation économique.

Mais la situation du capital est telle que même cette modération est inacceptable pour lui. (...)

Le Medef se présente même comme gardien du temple de la supposée « rationalité économique » pour éviter que « nos décideurs ne s’égarent ».

L’Élysée garde le temple économique (...)

Pour ceux qui en doutait encore (ils étaient apparemment encore nombreux), la politique est soumise à une force plus impérieuse, celle de l’intérêt du capital. Et c’est de cette hiérarchie dont est garant le président de la République. Bien plus que de la stabilité institutionnelle. (...)

La réalité, c’est que les macronistes n’accepteront pas de compromis hors du cadre étroit défini par le Medef : la politique économique doit rester la même. C’est ici qu’agit la clarification présidentielle : l’économie est désormais exclue du champ démocratique. Emmanuel Macron entend rendre réel ce vieux rêve néolibéral, mais en le rendant encore plus contraignant car ce qu’il défend ce n’est pas seulement l’indépendance du politique et de l’économique, c’est la soumission du politique à l’économique.

Une République sous tutelle (...)

la République règne, mais ne gouverne pas. Celui qui gouverne, c’est le capital et il gouverne même en l’absence de gouvernement. D’ailleurs, la décision de Gabriel Attal de geler, c’est-à-dire de réduire, les crédits pour 2025 sans avoir de validation parlementaire n’est rien d’autre qu’une preuve de ce gouvernement du capital.

Pourtant, cette sacralisation des politiques économiques « pro-business » ne règle rien. Patrick Martin peut bien prétendre que la population est fort satisfaite des politiques économiques menées, les faits disent le contraire. La crise politique est la conséquence de cette politique. Le mécontentement est bien là. On peut mettre le couvercle dessus et regarder ailleurs comme le fait le patron du Medef. Mais cette réalité se rappellera immanquablement à nous. (...)

Et c’est évidemment l’extrême droite qui en profitera en faisant de cette colère une nouvelle vague xénophobe. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Rassemblement national (RN) et ses alliés n’ont aucune raison de remettre en cause le cadre que vient de définir clairement le président de la République. (...)