
Depuis que la section Force ouvrière du CHU de Nantes a annoncé que quatre personnes étaient décédées aux urgences cet été en attendant d’être soignées, l’hôpital de Loire-Atlantique concentre tous les regards et inquiétudes
Au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, les étés se suivent et se ressemblent : travail en flux tendu, sous-effectif constant, soignant·es épuisé·es et urgences engorgées. Cette année, par manque d’effectifs, l’agence régionale de santé (ARS) a fermé 350 des 3 000 lits du CHU, 70 de plus que l’année dernière. « Cet été est très critique, plus que les années précédentes », souffle Patrice Le Luel, représentant de la CGT dans l’hôpital.
L’été, les vacances des soignant·es s’ajoutent au sous-effectif structurel. (...)
Si le syndicat préfère garder secrètes les conditions exactes de ces décès et le dossier médical de ces patients, FO tient à décrire la déshumanisation produite par le manque de moyens.
« L’une d’entre eux, âgée de 72 ans, a été reçue par les urgences rapidement et devait être envoyée vers un service spécifique. Elle a attendu dix heures qu’une place d’hospitalisation se libère. Une de nos collègues l’a retrouvé morte sur le brancard où elle attendait. » La direction ainsi que l’ARS ont confirmé ce cas, mais pas les trois autres.
Selon une étude de l’AP-HP publiée en fin 2023, les patient·es de plus de 75 ans qui passent une nuit sur un brancard aux urgences ont 40 % de risque en plus de mourir à l’hôpital. (...)
Dans la Bretagne voisine, au CHU de Brest, les agent·es ont mis en place un « mur de la honte », où sont placardées les initiales des patient·es de plus de 75 ans qui ont passé plus de douze heures aux urgences. Depuis le 10 juillet, 130 ont été dans ce cas, selon la CGT, une quarantaine étant même resté·es aux urgences plus de vingt heures avant d’être accueilli·es dans un service. Chaque jour, des noms s’ajoutent.
24 heures pour un scanner (...)
Depuis avril, quarante lits devraient être réservés, dans l’hôpital, aux patient·es qui arrivent des urgences. Ils appellent ça le « BJML » : besoin journalier minimal en lits. Or, ce ne sont pas quarante lits supplémentaires qui ont été financés, mais quarante des lits déjà présents qui ont été réaffectés. (...)
« À l’hôpital, on reçoit beaucoup de monde qui ne devrait pas y être. Il y a des soins qui devraient être pris en charge par la médecine de ville, sauf qu’il n’y a pas assez de médecins. Il faut gérer ce problème ancien pour que les urgences puissent mieux fonctionner. »
L’urgentiste raconte aussi les personnes âgées qui, faute de place en structure adaptée, finissent par rester des semaines, des mois à l’hôpital, en occupant un lit dans des services de médecine. « La question de la dépendance n’est pas du tout prise en charge en France, ce n’est pas un sujet qui est considéré. Les personnes âgées qui ne peuvent plus rester chez elles, même si elles n’ont pas de problème médical pur, finissent souvent chez nous. »
Des soignants épuisés (...)
Une réunion de crise a été organisée dans l’été à ce sujet avec les cadres de tous les pôles hospitalo-universitaires, en vain. « À la sortie de cette réunion, les cadres eux-mêmes l’ont dit : les agents tombent comme des mouches, on ne peut plus gérer les services », rapporte Patrice Le Luel. (...)
En Pays de la Loire, des urgences en pointillé
Le cas du CHU de Nantes n’est que l’arbre qui cache la forêt. Partout dans la région, et dans le pays, les soignants racontent à Mediapart la médecine de ville qui déraille, les services d’urgences engorgés, la destruction méthodique du service public hospitalier.
Cet été, particulièrement, nombre d’hôpitaux de petite ou moyenne taille ont fermé leurs urgences plusieurs jours, voire plusieurs semaines, faute de personnel suffisant, comme le chronique quotidiennement les journalistes de Ouest-France.
En se basant sur les articles de la presse régionale, Mediapart a tenté de cartographier le phénomène du 1er juin au 1er septembre 2024, sans parvenir à être exhaustif tant les fermetures sont nombreuses. (...)