
Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump multiplie les attaques contre la liberté de la presse. Ces derniers jours en ont été l’expression parfaite, avec la suppression de fonds pour l’audiovisuel public et l’arrêt programmé de l’émission de Stephen Colbert, très critique de sa politique.
En novembre 1967, la signature de la loi sur l’audiovisuel public par le président démocrate Lyndon B. Johnson actait la création de la Corporation for Public Broadcasting (CPB), un organisme chargé de distribuer des fonds aux stations de radio et de télévision publiques des États-Unis, ou celles qui décidaient de s’y affilier.
En janvier de la même année, lors de son discours sur l’état de l’Union, le président démocrate expliquait vouloir « faire de la télévision éducative une ressource publique vitale pour enrichir nos foyers, éduquer nos familles et apporter une aide aux classes des écoles ». « Nous devons insister pour que l’intérêt public soit pleinement servi par les ondes publiques », ajoutait-il.
Près de soixante ans plus tard, c’est un président républicain, Donald Trump, qui s’apprête, par une autre loi, à signer la mort de la CPB et mettre fin aux ambitions éducatives et culturelles de son illustre prédécesseur. (...)
Depuis longtemps, les conservateurs avaient en ligne de mire l’audiovisuel public, en particulier la télévision PBS et la radio NPR, accusées de propager des valeurs de gauche. Mais s’ils rêvaient de leur porter un coup fatal, Donald Trump l’a finalement fait. (...)
Après approbation du Sénat, la Chambre des représentants a voté dans la nuit de jeudi à vendredi la « récupération » de 1,1 milliard de dollars.
C’est tout un maillage de radios et télévisions locales qui devraient surtout souffrir – plus que PBS et NPR qui peuvent compter sur d’autres sources de financement. (...)
Interrogé par Mediapart, Clayton Weimers, directeur du bureau américain de RSF, souligne que les médias les plus touchés seront les stations qui « desservent des populations rurales, dans des zones peu peuplées et fortunées, où un service public de l’information n’est pas viable commercialement, certaines de ces stations dépendant des subventions pour jusqu’à la moitié de leur budget ». Il anticipe que « beaucoup devront fermer ». (...)
La fin de la CPB renforcera un phénomène bien connu aux États-Unis, poursuit-il, celui des « déserts informationnels », des zones où « des millions d’Américains vivent sans qu’il n’existe plus une seule source d’informations locales ».
Engagée dans une bataille culturelle, la porte-parole de la Maison-Blanche Karoline Leavitt n’en a cure. Elle a fustigé « des médias de gauche partisans, financés par les contribuables ». « Cette administration ne croit pas que ce soit une bonne utilisation du temps et de l’argent des contribuables », a-t-elle dit avant de reprendre les traditionnelles critiques envers NPR et PBS, accusées d’un biais anti-Trump.
Trump « ravi » de la fin du « Late Show »
Au-delà de l’audiovisuel public, ce fut une semaine noire pour l’ensemble des médias états-uniens, qui doivent subir les coups de boutoir de Trump depuis son retour à la Maison-Blanche. Quelques heures avant le vote de la Chambre des représentants, l’une des vedettes de CBS, l’animateur Stephen Colbert, connu pour ses critiques acerbes de Donald Trump, annonçait que l’émission qu’il présente prendrait fin en mai prochain.
Si la chaîne – propriété du groupe Paramount qui détient également un des studios historiques de Hollywood et MTV – a évoqué une « décision purement financière dans un contexte difficile pour la fin de soirée », beaucoup s’interrogent, en raison du contexte politique. Et parlent de censure. (...)
Dans un communiqué, le syndicat des scénaristes américains (WGA) a fait part de son inquiétude, au regard de « la récente capitulation de Paramount devant le président Trump dans le procès de CBS News », craignant que « l’annulation du “Late Show” ne soit un pot-de-vin, sacrifiant la liberté d’expression pour s’attirer les faveurs de l’administration Trump, alors que la société cherche à obtenir l’approbation d’une fusion ».
« La décision de Paramount intervient dans un contexte d’attaques incessantes contre la presse libre par le président Trump, par le biais de poursuites contre CBS et ABC, de menaces de poursuites contre les organisations médiatiques avec une couverture critique, et l’arrêt des subventions inadmissibles de PBS et NPR », a également indiqué le syndicat, qui a réclamé l’ouverture d’une enquête de la justice sur la fusion prévue. (...)
Pour parachever cette semaine noire, Donald Trump a annoncé poursuivre en justice le quotidien conservateur Wall Street Journal et son propriétaire Rupert Murdoch, réclamant au moins dix milliards de dollars pour diffamation. La raison de son courroux ? Un article dévoilant une lettre « salace » envoyée par Trump à son ami de l’époque, le financier pédocriminel Jeffrey Epstein, pour son 50e anniversaire en 2003. (...)
« Le dénominateur commun de toutes ces affaires est la guerre menée par Donald Trump contre la presse, juge Clayton Weimers de RSF USA. Cela peut apparaître comme des actions distinctes, mais au vu de tout ce qu’il a fait depuis six mois, il s’agit très clairement d’une campagne intentionnelle contre la liberté de la presse et cette semaine a été particulièrement chargée. » (...)